La Valse du Clown
Fiche
Titre | Joker | Titre VO | – |
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Réalisateur | Todd Phillips | Scénaristes | Todd Phillips, Scott Silver |
Acteurs | Joaquin Phoenix, Zazie Beetz, Robert De Niro, Frances Conroy, Marc Maron | ||
Date de sortie | 09 / 10 / 2019 | Durée | 2h 02 |
Genre | Crime, Drame, Thriller | Budget | 55 000 000 $ |
Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Todd Phillips brosse le portrait d’Arthur Fleck (Joaquin Phoenix), un homme sans concession méprisé par la société dans ce film qui se présente comme un récit inquiétant. |
Critique
Malgré des bandes-annonces qui m’ont laissé sur ma faim, difficile de ne pas être hypé devant le phénomène Joker. Au point qu’il est amusant d’en parler encore comme d’un petit film tant la machine marketing a été monstrueuse. Partout, il y en avait que pour lui. Extraits sponsorisés sur les réseaux sociaux, affiches gigantesques dans les transports en commun et surtout les polémiques (parfois ridicules) à gogo. Seuls les propos de Martin Scorsese à propos des « parcs d’attraction » Marvel semblaient lui faire un peu d’ombre.
L’inspiration Scorsese
C’est marrant, le timing parfois dans la vie. Car il y a énormément de Scorsese dans Joker. À peine étonnant quand on sait qu’il avait été un temps envisagé à la réalisation. Nul doute qu’il était bloqué par son monstrueux projet : The Irishman. Vivement, d’ailleurs.
Bref, Todd Phillips est à la barre et au scénario avec le solide Scott Silver (8 Mile, Fighter). Si le choix du réalisateur de la trilogie Very Bad Trip et des comédies classiques comme Road Trip, Retour à la fac (je l’ai vu, il y a quelques jours sur Netflix, une bonne comédie) ou encore Starsky et Hutch peut surprendre, ce serait oublier le virage qu’il a commencé à amorcer avec War Dogs pas mal inspiré de la péloche de Brian De Palma, Scarface. Aussi, il y a une volonté de pousser un coup de gueule, un peu maladroite malgré tout, au nom de la liberté d’expression et de la comédie.
Arthur Fleck, le fils de parent 1, Rupert Pupkin, et parent 2, Travis Bickle
Cette fois-ci, le Todd s’inspirera à fond la caisse des deux films de Martin Scorsese, le mondialement célèbre Taxi Driver et le moins connu La Valse des Pantins (The King of Comedy en VO). C’est particulièrement flagrant et ça fait partie, à mes yeux, d’une des faiblesses de Joker. Arthur Fleck, le Joker du jour, est bien loin d’être une figure du mal. C’est juste un pauvre type à mi-chemin entre Rupert Pupkin, le personnage principal de La Valse des Pantins, et Travis Bickle, celui de Taxi Driver. Tout le long-métrage est monté de sorte à que le personnage traverse une descente aux enfers jusqu’à la goutte d’eau qui fait déborder le Styx au point de finir en mode Michael Douglas dans Chute libre.
À l’exception près qu’ici, on prend soin à ce que les victimes du Joker soient présentées sous un mauvais jour. Toutes les personnes qu’Arthur tue l’ont fait souffrir. Il n’agit alors plus pour l’amour du mal, mais emprunte la voie, ô maintes fois empruntée, de la vengeance. C’est particulièrement flagrant sur la séquence, hilarante au demeurant – dommage donc que ce soit le seul véritable moment d’humour noir du film – où Arthur laisse la vie sauve à Gary (Leigh Gill) parce qu’il a été gentil avec lui. Dès lors, je n’ai pas eu l’impression d’avoir un film sur le Joker, mais plutôt un remake combiné des deux œuvres citées précédemment.
Ficelle Wayne
Après, je comprends parfaitement l’intérêt de mettre le nom de Joker. C’est une marque tellement puissante qu’elle a permis de ramasser des tas de dollars et ça s’est prouvé. Mais quand tu vois que Todd Philipps a très rapidement précisé qu’on est devant SA version du Joker. Une version inédite. On sent que le bonhomme a voulu prendre les devants face aux critiques.
À ce moment-là, quel intérêt d’impliquer la famille Wayne dans cette origine ? C’était une ficelle tellement facile et grosse, digne du Martha de Batman v Superman, que la voir être utilisée m’a vachement déçu. Je n’ai pas compris l’intérêt d’impliquer Thomas Wayne et son fils Bruce si ce n’est pour jouer la carte du fan service. Sacrément dommageable, car justement, ce long-métrage aurait dû servir à prouver que le Joker n’a pas besoin de Batman pour exister. Pour tout dire, à la fin, j’ai même craint que la psychiatre soit Harley Quinn. Ça aurait été le pompon sur le bonnet de l’arlequin.
Twists pathétiques
Le pire dans tout ça, c’est que ça sert un twist puéril et pathétique, digne d’une série télévisée ou d’un comic lambda. Le Joker en demi-frère de Batman. Heureusement que la suite montre qu’il s’agit juste une affabulation de Penny Fleck. Encore que, on pourrait imaginer que la fortune de la famille Wayne ait servi à camoufler la réalité, mais ça colle assez mal avec la bienveillance des Wayne.
Même constat avec la voisine, la scène explicative du « j’ai fantasmé mes dates avec elle » est juste immonde. Digne d’un téléfilm du dimanche pour faire comprendre ce qui s’est passé à ceux qui regardent à moitié. La réplique « Que faites-vous là ? Vous vous appelez… Arthur. C’est ça ? » suffisait largement. En plus, ça casse la tension dramatique de la scène. Déjà que je trouvais qu’il n’y avait pas beaucoup de tension en général, car tout est prévisible et balisé. J’aurais aussi beaucoup aimé qu’Arthur la tue pour prouver, une bonne fois pour toute, qu’il est un individu maléfique. Après, ça reste ouvert, car c’est coupé [MAJ : finalement non, il a été certifié que la voisine et sa fille sont toujours vivantes].
Justifier le mal
On arrive à un autre point que je n’ai pas aimé. Justifier la folie du Joker par un traumatisme équivalent à celui du tueur des méchants, Dexter Morgan. La maladie donne certainement un des rires les plus magnifiques du Joker, à la lisière entre le drame et la comédie, mais elle l’affaiblit également en faisant de lui, un individu pathétiquement malade. Du style, « oh le pauvre, ce n’est pas de sa faute, c’est la société qui l’a rendu comme ça ». Évidemment, c’est le propos. Néanmoins, ça ne colle pas avec ma vision du personnage.
Pour approfondir, je reviens sur un propos d’Arthur. Il dit qu’il est apolitisé, or tout chez lui respire la politique. Qu’est-ce qu’il y a de plus politique que de montrer un individu tellement écrasé par la société et son gouvernement qu’il en pète les plombs ? Surtout, de nos jours. Pour l’éviter, il aurait fallu que le Joker ne soit pas impacté par la société. Qu’il fasse simplement ce qu’il fait pour le plaisir de répandre le mal.
Au final, on est loin d’être devant un personnage profond. On peut facilement résumer par son histoire par celle d’un malade mental qui, à force d’accuser le coup, finit par péter les plombs et se mettre en mode vengeance. Terriblement réducteur et pas à la hauteur de la légende de Monsieur J.
Si je peux sembler vraiment sévère avec Joker, c’est à cause de tout le barouf qu’il a engendré. À coup de chef d’œuvre à la pelle. Me concernant, il est très loin de l’être, car il ne fait que repasser à la moulinette d’autres films et pomper le style de Scorsese. Mais il a tout de même de grandes qualités. Ben ouais quand même.
Joaquin Phoenix, objectif Oscar
La première est assez évidente. La performance de Joaquin Phoenix. Il est impossible de nier que l’acteur dégage quelque chose. Quand il entame ses pas de danse (la scène où il descend les escaliers en costume, celle où il danse juste après avoir commis ses premiers meurtres et celle où il dessine un sourire sur son visage avec son sang sont d’une perfection ahurissante, un instant de poésie majestueuse) ou qu’il enclenche son rire terriblement malaisant, il fascine. Malgré tout, je n’ai pas trop aimé cette trop grande focalisation sur lui. J’ai souvent eu l’impression de regarder une vidéo de casting à destination des Oscars plutôt qu’une œuvre ayant quelque chose à raconter. Surtout quand on y ajoute les longueurs. Principalement, au début.
Deuxième gros point positif. La réalisation de Todd Philipps. Malgré l’aspect « vidéo de casting », il y a des plans qui sont beaux à se damner. Ce n’est pas pour rien que les affiches en ont carrément repris certains. Un gros bravo au directeur de la photographie, Lawrence Sher, qui avait déjà fait de l’excellent taf sur Godzilla 2 – Roi des Monstres. On peut aussi y ajouter la musique.
Dernier point. La fin ouverte. Toute cette histoire pourrait très bien n’être qu’une histoire montée de toute pièce par le Joker. Un récit raconté à un psychiatre pour justifier ses actions afin de l’émouvoir avant de s’échapper après l’avoir assassiné (ces empreintes de pas ensanglantées). Bref, une fin ouverte laissant la place à l’imagination.
Par Christophe Menat déçu de ne pas avoir eu le chef d’oeuvre promis.
Conclusion
On m’avait vendu un chef d’œuvre. Un film prenant des risques et partant explorer les origines d’une des plus grandes figures du mal. J’ai eu un remake combiné de Taxi Driver et La Valse des Pantins sans grande originalité et sans émotion, le tout avec des ficelles assez grosses. Notamment celle impliquant une certaine famille. Une petite déception heureusement contrebalancée par un grand Joaquin Phoenix, malgré le côté « vidéo de casting à destination des Oscars », et une sublime photographie. |
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6/10 |