Critique : The Batman (avec spoilers)

Des belles promesses inachevées

Fiche

Titre The Batman Titre VO
Réalisateur Matt Reeves Scénaristes Matt Reeves & Peter Craig
Acteurs Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Jeffrey Wright, John Turturro, Peter Sarsgaard, Jayme Lawson, Andy Serkis, Colin Farell
Date de sortie02 / 03 / 2022 Durée2h 55
GenreAction, Drame, Mystère, Policier Budget185 000 000 $

Après avoir sillonné les rues de la ville sous l’identité de Batman et instillé la peur chez les criminels, Bruce Wayne a exploré les quartiers les plus mal famés de Gotham City. Conscient qu’il ne peut plus compter que sur quelques rares alliés de confiance – Alfred Pennyworth, le lieutenant James Gordon – parmi les notables corrompus de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme le seul citoyen capable d’obtenir vengeance.

Critique

Attention, cette critique a été écrite avec l’utilisation de la technique ancestrale de Ra’s al Ghul, le divulgâchis, plus communément appelé le spoil.

Matt prend le chemin inverse de Tim

En réalisant Cloverfield (2008), Matt Reeves s’est fait connaître aux yeux du monde entier avant de confirmer avec le remake Laisse-moi entrer (2010) puis les deux derniers épisodes de la nouvelle trilogie La Planète de Singes (L’affrontement en 2014 et Suprématie en 2017) faisant ainsi le chemin inverse de Tim Burton qui s’était d’abord occupé de Batman avant de s’attaquer aux Singes.

Me concernant, je trouve qu’il s’agit d’un bon réalisateur, mais malheureusement étant toujours à la limite de pondre un excellent film. Par exemple, c’est flagrant quand on regarde Laisse-moi entrer qui n’arrive jamais à la hauteur de l’original suédois Morse (2008) en terme d’ambiance. Quant à la nouvelle trilogie des Singes, j’ai toujours considéré le premier (Les Origines, 2011), donc celui qu’il n’a pas réalisé, comme le meilleur. D’ailleurs, en parlant simiesque, j’ai toujours été choqué de voir à quel point Suprématie est proche de Logan (2017).

Néanmoins, pour The Batman, j’avais beaucoup d’espoir. Car son style colle parfaitement à l’univers du chevalier noir. Encore plus d’espérance quand j’ai appris que Matt Reeves souhaitait faire un film noir, dans le style détective. Un point malheureusement jusqu’ici trop peu exploité. Un comble pour un super-héros dont de nombreuses aventures sont narrées dans une série de comics appelée… Detective Comics.

Ouverture confinant au chef d’œuvre

À mes yeux, tout commence de la meilleure des façons possibles. Voix off pour une présentation du monde de ce nouveau chevalier noir dont c’est quand même la sixième version au cinéma (bref, le James Bond moderne) sans compter la version Lego et les séries télé comme Gotham (2014 – 2019) ou Titans (2018). L’ambiance est délicieusement déprimante. Le design de Gotham me fait rêver. De ce passage, j’ai adoré la façon dont l’aura de Batman auprès des malfaiteurs est décrite. Avec ces plans appuyés sur les zones d’ombre d’où il pourrait surgir.

Finalement, Battinson, fier remplaçant de Batfleck, sort d’une de ces zones pour casser la gueule à des clowns (une scène finale à Arkham nous confirmera que le Joker a déjà œuvré dans ce Gotham-là). Premier léger bémol, les scènes de combat sont loin d’envoyer le même caviar que ceux de Zack Snyder (qui a oublié la mythique scène d’action du sauvetage de Martha du Snyder Batman v Superman ?). Au moins, c’est mieux que ceux de Nolan (pas difficile, me chuchote-t-on). Toutefois, ça glisse tranquille.

Par la suite, nouvelle surprise (l’avantage de ne pas s’appeler Le blog de DCCC, c’est d’éviter les dernières bandes-annonces des films de la Warner qui en montrent beaucoup trop), Battinson collabore déjà avec le commissaire Gordon. Surtout, on a une excitante introduction m’ayant rappelé celle du jeu vidéo Batman : Arkham Asylum (2009). La séquence où on suit Batman de dos jusqu’à la scène de crime. Admirer les tronches ahuries des flics, c’est trippant. La promesse est là. Matt Reeves va me délivrer de mon rêve d’avoir un film de Batman se concentrant sur ses capacités de détective.

Une enquête sans génie

Je quitte l’ordre chronologique pour donner un point de vue global sur cet aspect. Clairement, c’est la déception à ce jeu. Si Matt Reeves semble invoquer l’esprit de David Fincher entre Se7en (1995) et Zodiac (2007), jamais il n’arrive à sa hauteur. La faute principalement à une ambiance jamais malsaine et une intrigue globale sans aucune surprise. C’est balisé de bout en bout, malgré quelques belles promesses entre une main avec un pouce coupé et un meurtre dont la mise en scène semble sortir d’un piège de Jigsaw. Par contre, pour la violence, ça reste très, très léger. Ok, c’est dark, mais niveau sang et compagnie, on est sur du tout public.

Pire, l’intrigue « serial-killer » est polluée par sa sous-intrigue politique. Bordel, encore une histoire autour de Carmine Falcone avec un rebondissement à la con (surprise, Falcone est le grand manitou) qui ne surprendra personne sauf les néophytes. Et encore, ce n’est pas fini. Les personnages ici impliqués renvoient directement à ceux de la série Gotham. Entre un James Gordon devant se débattre au sein d’une police corrompue, une Catwoman orpheline faisant la rencontre de Bruce Wayne, les vilains l’Homme Mystère et le Pingouin (je ne vais même pas parler du Joker). Le tout tournant autour du passé de la famille Wayne.

J’étais vachement déçu, car je m’attendais à ce que Matt Reeves pioche davantage dans les excellents comics écrits par Scott Snyder pour revenir aux origines de la ville de Gotham avec l’implication de la Cour des Hiboux. Pour l’anecdote, quand on découvre le Riddler derrière le maire au début du film, j’ai cru que c’était un Ergot. Mon enthousiasme a chuté en constatant mon erreur.

Bref, je me demande quel est l’intérêt de nous resservir à nouveau la même soupe avec les mêmes méchants (cela m’a fait regretter le film annulé de Ben Affleck où Deathstroke était le big bad guy) entraînant inévitablement le jeu des comparaisons. J’espérais vraiment un reboot à la Spider-Man: Homecoming (2017) où Batman éviterait ce qui a déjà été servi. Ce n’est pas comme si le mec n’avait pas une immense galerie de vilains et une mythologie puissamment ancrée dans la culture générale. Au moins, à la manière d’oncle Ben, on évite de nous proposer l’entrée « meurtre des parents de Bruce » et naissance du super-héros.

Here comes a new challenger : Battinson

Bon, j’écarte maintenant ma grosse déception sur The Batman pour parler de Robert Pattinson. Franchement, j’ai beaucoup aimé le personnage. Surtout le fait d’avoir Bruce Wayne en retrait par rapport à son alter ego masqué et de le montrer avec son eye-liner pas encore effacé. Même si j’ai beaucoup aimé, ça ne m’a pas empêché d’avoir quelques réserves. Tout d’abord, le côté « je ne montre pas mes sentiments » tout en ayant des pétages de plombs risibles. Le pire à mes yeux, c’est sans hésiter le moment où il nous fait un caca nerveux parce qu’il soupçonne son crush de se taper un vieux criminel. Heureusement qu’il y a cette séquence émouvante à l’hôpital avec Alfred et surtout, je devine bien qu’il s’agit de montrer la naissance du Batman accompli (on est qu’à sa deuxième année).

Quant au Batman version super-héros, là, ça alterne le chaud et le froid. Le chaud est que le personnage est vraiment badass. Jamais il ne se précipite. Il manque juste des poses iconiques. Le froid, c’est que bon, ce n’est pas super crédible. Même pour un super-héros. Son style est ultra-frontal sauf que ni ses yeux, ni la partie basse de son visage ne sont protégés. Un moment, ça va quoi. Une balle à ce niveau et c’est game over. Sans oublier, cet énorme faute de goût avec ce jeu de mots gênant avec Catwoman (« chat-parde » si mes souvenirs sont bons).

Plus curieux, la force du bonhomme semble faire le yoyo. Le mec vole, se plante royalement en se mangeant un truc (j’ai oublié quoi, mais ce n’était certainement pas du plastique) en pleine poire, boitille un peu et sur la séquence suivante, il est frais comme un gardon. Excusez-moi, mais sur un film de trois heures, il n’y avait pas une séquence à éliminer pour montrer un passage où il se soigne ? Rebelote, mais dans le sens inverse lors du climax final. Il se prend un coup de fusil à pompe, tombe à terre et est incapable de se relever avant d’utiliser… le Venin de Bane ?

Après, il y a également la question de l’identité secrète… Encore une fois, elle ne tient pas debout. Comment le commissaire Gordon ne peut-il pas deviner que Batman est Bruce Wayne ? On voit toute la partie basse de son visage… et ses yeux ! Encore la partie basse, c’est assez commun, mais les yeux… Chaque iris est unique. Si Battinson arborait les fameuses lentilles blanches du personnage, ça passerait crème. Ce serait d’ailleurs bien mieux que des lentilles directement sur l’œil. Après, on ne va pas se mentir, si les lentilles blanches ne sont pas utilisées, c’est pour mieux faire passer les émotions du personnage. D’autant plus qu’ici, il passe la majorité de son temps en costume.

La chatte de Zouma ?

Quant aux autres personnages, ils ne m’ont pas spécialement marqué (juste une nouvelle version de personnages déjà vus plusieurs fois), mais sont tous bien interprétés. Juste un petit mot concernant la Catwoman de Zoë Kravitz. Jamais je n’ai cru à son alchimie avec Batman. J’ai trouvé qu’il n’y en avait pas, en fait. Les scènes de baisers ressemblent plus à deux potes devant s’embrasser pour jouer, plutôt que deux amoureux.

Ah oui, dans une interview, Robert Pattinson et Zoë Kravitz soulignaient à quel point ils se sont entraînés pour leur combat. L’interview faisait grave envie et quand j’ai vu les 30s du résultat à l’écran, ben putain, je suis tombé de haut. C’était juste lambda. En plus de ça, je me suis marré sur un plan où Batman surplombe Selina, car Zoë Kravitz avait raconté que de la sueur de Pattinson lui était tombée dans la bouche. Le pire du duo, ça reste, sans aucun doute, leur séparation. Intérieurement, j’étais mort de rire, car je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la fin de Fast & Furious 7 (2015), avant d’être un peu triste, parce que Paul Walker, quoi…

MVP : Greig Fraser

Bref, je critique, je critique, mais il faut quand même parler des qualités, car il y en a. Le must, c’est tout simplement la photographie. Bon ok, on peut se marrer en disant qu’on est bien chez DC, car tout est beaucoup trop sombre. Mais t’as des plans bien ouf comme il faut. Le directeur de la photographie, Greig Fraser, c’est clairement le MVP de The Batman. Son CV dit tout : Foxcatcher, Rogue One, The Mandalorian et Dune. Mon plan préféré, c’est sans hésiter le POV inversé du Pingouin à la fin de la course-poursuite. D’ailleurs, petit aparté sur cette course, elle m’a fait tiquer, car durant cette séquence, y a probablement dû avoir plein de morts, mais Batman semble en avoir rien à foutre, tout comme le pas encore commissaire Gordon…

Autre point positif avec la gestion du rythme. Ça dure trois heures, mais ça ne souffre pas de réelles longueurs. Comme ça commence à patiner, hop, on nous fout un truc qui relance le moteur. De plus, dans l’ensemble, les scènes d’action sont plutôt agréables à suivre, à défaut de marquer. Dommage tout de même de nous foutre un climax un peu foireux, trop forcé « climax explosif de films de super-héros » alors que ça ne s’y prêtait pas, malgré le superbe plan où Batman mène les civils en sécurité. Pour terminer, je voulais poser une déclaration d’amour à cette Gotham. Je la trouve sublime. J’ai adoré les routes pavées dans le Time Square de Gotham et le manoir gothique des Wayne. 

Par croisant les doigts pour que Matt Reeves nous fasse une Dark Knight sur la suite.

Conclusion

The Batman n’arrive que partiellement à répondre à ses promesses. J’attendais du film de Matt Reeves qu’il mette en avant le côté détective du personnage jusqu’ici peu exploité. Malgré d’excellentes idées, pas mal empruntées à David Fincher, la sauce ne prend jamais complètement la faute à une intrigue désespérément prévisible en plus de respirer le déjà-vu (surtout vis-à-vis de la série Gotham) et une ambiance pas assez malsaine (violence beaucoup trop édulcorée). Il n’empêche que le casting est impeccable, Battinson en premier, que le rythme est maîtrisé (les trois heures ne se font pas trop ressentir) et que la photographie est juste sublime. Au moins, tout semble calibré pour avoir un deuxième film de bien meilleure facture.

+

  • Photographie de Greig Fraser
  • Design de Gotham
  • Plus Batman que Bruce Wayne
  • Enfin un film de détective…

  • … mais pas bien exploité
  • Peu crédible, malgré une volonté de réalisme
7/10
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