Critique : Tyrannosaur

Fiche

Critique

Tyrannosaur, on ne pouvait pas rêver plus beau titre pour son personnage même si au visionnage, on saura que le nom du dinosaure le plus populaire au monde n’était pas destiné au héros. Peu importe car il en découle deux adjectifs qui collent à merveille à cet anti-héros : fossile et dangereux.

Un personnage qui n’est pas sans rappeler celui incarné par Clint Eastwood dans le superbe Gran Torino. D’ailleurs les deux films se ressemblent beaucoup toutefois Tyrannosaur est beaucoup plus trash, moins politiquement correct. Car alors que le héros de Gran Torino était aussi un vieil homme rustre et désagréable, toujours propice à se bagarrer, il restait toujours derrière la frontière de innommable, celui qui fait basculer un héros en un homme voir un monstre, un homme capable du meilleur mais aussi du pire. Ne dit-on pas : « God loves, man kills » (« Dieu créé, l’homme détruit »)?

Cette frontière, Joseph, le héros de Tyrannosaur, la franchit dès les premières minutes avec un acte jamais vu au cinéma car tabou. On comprend dès lors qu’on est devant un film coup de poing, il ne reste plus qu’à savoir si le film sera capable de conserver cette dynamique tout le long. Il est souvent facile de foutre un gros pain dans le visage du spectateur au départ car il ne s’est pas encore préparé mais rares sont ceux qui parviennent à le mettre KO au bout du combat.

Paddy Considine, le réalisateur, est plus un acteur qu’un réalisateur. Il n’a réalisé qu’un court-métrage Dog Altogether considéré d’ailleurs comme le prologue du film du jour. Tyrannosaur est donc son premier long-métrage. On l’a plus souvent vu devant la caméra dans De l’ombre à la lumière, Hot Fuzz, Blitz où il incarnait un mémorable sergent homosexuel ou encore Submarine. Pour sa première réalisation, il s’en sorti avec brio avec un style minimaliste ne faisant que très peu intervenir la musique, s’enroulant autour de ses personnages pour en aspirer l’essence. On devient alors complètement subjugué, ne détachant que rarement notre regard. Paddy Considine est un réalisateur à surveiller car pour Tyrannosaur, il en a aussi écrit le scénario, un petit bijou de film noir. Un futur Clint Eastwood? On espère et on demande à voir. La mise en scène superbe faisant beaucoup intervenir les ombres et se déroulant une grosse majorité dans la pénombre rappelle d’ailleurs celle de celui qu’on appelait l’homme sans nom dans la trilogie du dollar.

Probablement fort de son expérience d’acteur, il dirige un monstre sacré du cinéma, Peter Mullan. Une gueule qui a remporté le prix d’interprétation masculine en 1998 pour My Name Is Joe. Il a aussi réalisé le notable The Magdalene sisters et surtout une de mes claques de l’année dernière, le formidable Neds qu’il a aussi coproduit, scénarisé et joué dans un des rôles les plus durs. On avait aussi pu le voir dans le Cheval de Guerre de Spielberg où il jouait le père du héros, cet alcoolique qui achetait le cheval lors d’une mise aux enchères. Peter Mullan, c’est surtout une gueule inoubliable capable de vous marquer même dans des petits rôles secondaires. Pour Tyrannosaur, il récupère le rôle principal et livre une performance qui m’a époustouflé pourtant son rôle est très peu évident, beaucoup auraient explosé en vol. Pas Peter, il fascine de bout en bout dans le rôle de cet homme colérique qui crache sur Dieu. Une aura de violence l’enveloppe et on y croit. Les différentes confrontations en font un alter ego de Clint Eastwood dans Gran Torino mais bien plus marqué par la violence.

Les interactions sociales du héros se feront notamment avec un jeune garçon qui fera battre le cœur resté à l’arrêt de Joseph et une femme, une femme tourmentée pour l’autre rôle du film. Incarnée à la perfection par Olivia Colman, c’est une femme brisée par son mari, un autre homme violent (méconnaissable Eddie Marsan, l’inspecteur Lestrade dans le Sherlock Holmes de Robert Downey Jr) mais d’une violence plus perverse, plus implosive qu’explosive pourtant aux résultats finalement pas si éloignés de ceux de Joseph. Cette femme fragile, humiliée par son mari nous fascine autant qu’elle fascine Joseph, pourtant son physique banal ne donne que peu envie de s’y attarder. Tyrannosaur est aussi rempli de confrontations, d’agressions verbales qui font monter la sauce et nous donnent envie de crier à Joseph de laisser libre cours à ses démons. Des pulsions peu recommandables fond de nous des hommes ou femmes maudits qui commencent à comprendre Joseph, à comprendre sa violence, ses pulsions. Notre cœur finit par battre au rythme de ce vieil homme laissé au sol par la vie. Un homme qui ne se considère pas comme un homme bon. Un tyrannosaure…

Conclusion