Critique : The Dark Knight Rises

Nolan Failed !

Fiche

Adaptation du comic DC éponyme
Réalisateur Christopher Nolan
Scénariste Jonathan Nolan, Christopher Nolan
Acteurs Christian Bale (Bruce Wayne / Batman), Tom Hardy (Bane), Anne Hathaway (Selina Kyle / Catwoman ), Marion Cotillard (Miranda Tate), Michael Caine (Alfred), Gary Oldman (Lt. James Gordon), Morgan Freeman (Lucius Fox), Joseph Gordon-Levitt (John Blake), Liam Neeson (Ra’s al Ghul ), Matthew Modine (Foley), Juno Temple (Holly Robinson)
Pays USA Date de sortie 25 juillet 2012
Genre Action, Crime, Drame, Thriller Durée 2h45
Budget 250 000 000 $
Huit ans après que Batman ait endossé la responsabilité des crimes de Double-Face, un nouveau terroriste du nom de Bane apparaît, et plonge Gotham City dans le chaos. Le chevalier noir va devoir refaire surface, et protéger une ville qui le considère comme un paria.

Critique

Dire que The Dark Knight Rises était très attendu tient de l’évidence même. Il devait être la conclusion épique d’une trilogie que l’on appelle désormais la trilogie Nolan. S’inspirant du comic Knightfall, on y trouve un des plus grand ennemis de Batman, Bane, un des rares ayant réussi à le briser, chose pourtant réservée au Joker. Mais il n’y a pas seulement cela… On voit aussi l’arrivée de Catwoman, de Joseph Gordon-Levitt et de Marion Cotillard dans des rôles mystères pour le grand public mais devinés depuis des lustres par les fans. La merveilleuse première bande annonce sur fond de musique sublime et destruction du stade de Gotham laissant envisager quelque chose d’épique, de sublime, allons-nous avoir la consécration du chevalier noir avec The Dark Knight Rises ?

A la sortie de la séance, le premier mot qui me vient à l’esprit est… déception (vous ne serez pas surpris si vous avez lu le titre). Oui, déception. Car si Nolan a toujours autant de talent pour la dramaturgie, il en manque cruellement quand il vient le temps de développer l’émotion (chose bizarrement absente du long-métrage, j’y reviendrais plus tard) et surtout pour les scènes d’actions. Oui, vous avez bien lu, pour les scènes d’actions. En même temps, point étonnant car on ne se remémore pas de Batman Begins, ni de The Dark Knight pour leurs scènes d’actions (sur le dernier, hormis un plan magnifique où la moto de Batman évite de justesse le Joker sur la route, il n’y a pas grand-chose à signaler). Seulement Inception laissant envisager quelque chose à ce niveau et surtout des paroles de Nolan, The Dark Knight Rises se devait être un film épique. Avec The Dark Knight, Nolan avait réussi à faire le Heat du film des super-héros. Avec The Dark Knight Rises, il devait donc faire le Gladiator du film des super-héros. Une mission échouée…

On pourrait imputer la faiblesse des scènes d’actions à la déferlante Avengers qui avait mis plein la vue à tout le monde avec son combat final de folie (donc l’attente était encore plus élevée) mais pas seulement. Car la réalisation des combats de The Dark Knight Rises a quelque chose de raté hormis un seul, le premier affrontement entre Batman et Bane seulement il n’arrivera jamais non plus à atteindre ce souffle épique qu’on pouvait voir dans Warrior par exemple pour citer un film de Tom Hardy, l’interprète de Bane. Nolan sait malheureusement que ses acteurs ne savent pas se battre, Tom Hardy n’a pas vraiment de talent pour le combat à mains nues, dans Warrior ses combats sont brefs et le combat final faisait l’étalage de son absence de technicité pour faire valoir sa rage brute. C’est encore pire pour Christian Bale complètement pénalisé par sa lourde armure et son casque (que j’ai d’ailleurs toujours trouvée ridicule, lorgnant davantage vers le casque militaire qu’un masque chargé de cacher l’identité de son porteur sans pour autant gêner sa périphérie). On voit combien le Batman est gêné lors de ses combats, son armure ne l’autorisant pas à se mouvoir pour augmenter la puissance de ses coups, comment le faire alors avec des mouvements aussi bridés? C’est d’autant plus pitoyable que Bane le dit clairement lors du premier combat. Il ne faut pas non plus oublier des chorégraphies de combats beaucoup trop visible (on sent clairement que les cascadeurs attendent que Batman se tournent vers eux pour recevoir leurs coups).

Mais c’était déjà un défaut présent depuis le premier alors pourquoi insister sur ce fait maintenant. Tout simplement parce que ce The Dark Knight Rises devait être porté par une lutte épique entre deux surhommes. Le combat final très attendu, la narration parfaite de Nolan fait monter la sauce, fait un énorme flop de ce côté… Le combat est mou, Nolan filme trop rapproché, nécessaire pour éviter de rendre visible l’absence de talent des acteurs pour les arts martiaux, pour insuffler de la tension à ce combat. On ne dispose que d’une succession de plans situés au dessus du torse. Batman et Bane se mettent des pains dans la gueule à tour de rôle sans grâce, ni d’intelligence. Et ça se dit être formés par les plus grands assassins du monde ? Pei Mei se retourne dans sa tombe.

Dès lors, en foirant son combat final, Nolan se complique sincèrement la tâche mais c’est sans compter le twist final (prévisible pour les fans du comic) désamorçant toute tension. On comprend dès lors où veut en venir Nolan.

Spoiler

On n’aura pas le droit à un combat final tragique. A partir du moment où on apprend que Miranda est Talia, on sait que Batman n’affrontera pas Bane dans un combat à mort qui causera leurs pertes à eux deux. On s’oriente vers le même final qu’Avengers avec Iron Man/Batman amènant la bombe atomique au loin. Quelle déception ce triste sort pour Bane, devant être l’égal du Joker et débarrassé pitoyablement par Catwoman sortant une réplique ne faisant pas mouche (ça n’a jamais été le point fort des Batman de Nolan contrairement à Avengers qui en possède des dizaines devenus cultes). Dès lors où on comprend que Batman ne va pas mourir, que Nolan s’est dégonflé, que ce dernier épisode de la trilogie n’en est pas vraiment un. La déception est immense. On n’aura pas eu le droit à un combat final dantesque marquant comme le combat qui opposa Superman et Doomsday. Le final fait même un peu trop happy ending pour coller à l’ambiance du chevalier noir.

Ce n’est pas tout, The Dark Knight Rises souffre aussi du même syndrome qu’Avengers : des séquences de batailles évitant toute violence. Ce qui peut passer pour un Avengers orienté comédie passe beaucoup moins pour un Batman résolument sérieux. Quel supplice de voir la bataille finale entre l’armée de Bane et la police, tant fantasmée en voyant les affiches et les bannières, se tourner à la dérision. Car tout impact a disparu. Les figurants tombent sous des balles invisibles comme des enfants simulant une guerre dans une cour de récré. Un constant désespérant tant il est horripilant, renvoyant le film à une triste condition de blockbuster estival grand public qu’il avait pourtant évité juste là. On attendait de The Dark Knight Rises qu’il enterre Avengers en offrant la quintessence du film de super héros épiques, l’humour d’Avengers a l’inconvénient de supprimer la tension. Finalement ce n’est pas l’humour qui désamorce la tension, ni la narration de Nolan (sublime, je le répète encore une fois) mais bien le cœur même de la tension : les combats réduits à de simples affrontements digne d’un film Disney où tout effusion de sang est soigneusement évité, où les mises à mort sont ellipsés.

Spoiler

Par exemple avec la mort du policier Foley incarné par Matthew Modine réduite à un seul plan ridicule.

On en vient à regretter tant de pruderies pourtant absente des comics où les affrontements sont violents, où les membres s’entrechoquent, où les mâchoires sont dévissés, où les dents viennent rejoindre les cannettes allongées sur le sol attendant à jamais leur recyclage. Avec The Dark Knight Rises, c’est un peu de l’âme de Batman qui s’évapore. Pour preuve, rien de plus simple qu’un constat limpide. On dit de la ville Gotham qu’elle est l’extension du chevalier noir. On est alors triste de voir ce qu’elle est devenue. D’une ville lugubre, gothique et ténébreuse où la mort attend au tournant, elle est devenue une New-York à peine masquée (on voit la trace des constructions des bâtiments visant à remplacer les World Trade Center, Central Park est montrée dans toute sa splendeur). Toutefois cette transformation est justifiée par le script car la pègre a déserté les rues de Gotham mais il reste toujours une pointe de regret.

Avec ce pavé, on pourrait croire que The Dark Knight Rises est un ratage. Pas du tout, loin de là. Seulement plus l’attente est forte, plus dure est la chute. Parmi le gros point fort, comptons Bane. Un terroriste avec la lourde tâche de faire oublier le Joker. Ça tombe bien, il ne propose pas le même plan. Son plan est encore plus vicieux, encore plus grand, il veut tout simplement faire de Gotham un champ de ruines et envoyer ses douze millions d’habitants au ciel. Il est l’incarnation du vilain parfait, celui de l’après 9/11. Ses nombreux discours font froid au dos (malgré une implication politique un peu maladroite et inexploitée), chacune de ses apparitions poussent à guetter le moindre de ses gestes, à l’admirer surtout que la réalisation de Nolan le pose sur un piédestal, fait de lui un excellent vilain pouvant presque trôner aux côtés du Joker. Presque, car il y a tout de même une petite classe d’écart. Là où le Joker terminait en apothéose, Bane souffre de la fin.

Spoiler

Au moment où on apprend que c’est Miranda et non pas Bane qui est derrière tout ça, on comprend qu’il ne s’agit que d’un simple exécutant, un simple larbin. Nolan a fait une grave erreur car le dernier épisode d’une trilogie doit faire affronter à son héros sa Némésis. Malheureusement à défaut du Joker, carte trop vite défaussée, on bénéficie du… valet.

Une fin qui sera comme une tâche sur le personnage. Non, Bane ne sera pas la Némésis du Batman, il s’agit du Joker.

Passons aux autres personnages, je zappe Gordon, Lucius Fox, les rôles ne changeant presque pas pour passer aux nouveaux venus : Catwoman et le jeune Blake. Incarnée par Anne Hathaway, la Catwoman avait la lourde tâche de faire oublier Michelle Pfeiffer. Pour ma part, elle n’a pas accompli sa mission mais elle offre une alternative intéressante au personnage. Malheureusement, je trouve que sa romance avec Batman est trop vite sabordée, tout comme celle reliant Batman et Miranda (Marion Cotillard). Nolan était-il pris par la durée du film, l’ensemble durant quand même 164 minutes ? Sans doute car point d’émotions d’amour dans ce film. On pense davantage à des acolytes plutôt qu’à des amours. Finalement, il n’y aura qu’un amour : Rachel Dawes (Maggie Gyllenhaal dans The Dark Knight et Katie Holmes dans Batman Begins). Les combats mettant en scène Catwoman sont loin d’être excitants, ne reflétant pas le côté sexy fétichiste du personnage hormis sur une scène où en tenant en joue un des méchants, elle joue avec ses talons aiguilles.

Encore une déception… heureusement contrebalancée par l’excellente performance Joseph Gordon-Levitt dans ce rôle du policier prêtant main forte au commissaire Gordon et d’ailleurs une des plus intéressantes relectures des frères Nolan sur le comic. Blake est une belle réussite.

Spoiler

Faire de Robin, un homme déjà assez âgé mais tourmenté par les mêmes maux que celui du comic offre une dimension inattendue au personnage en le posant dans un cadre réaliste (un enfant contre des terroristes, ça le fait moyen) sans dénaturer son esprit.

Quant au personnage de Miranda, difficile d’en parler sans spoiler donc :

Spoiler

Les fans avaient devinés depuis longtemps qui elle était. Toutefois, quel dommage que Marion Cotillard soit pénalisée dans son jeu. La volonté des Nolan de vouloir marquer la fin par un twist final en révélant l’identité du vrai méchant souffre d’une Talia Ra’s Al Ghul sans vraiment de charisme et dont le pompon survient avec une mort ridicule. Encore une fois quel dommage, une telle sous-exploitation du personnage quand on sait qu’elle et Batman ont désormais un enfant dans le comic et qu’il est même le nouveau Robin.

Pour parachever le tour d’horizon, il convient d’attaquer le grand Bruce Wayne en personne. Pas vraiment de surprise de ce côté-là, Christian Bale offre une prestation solide. Il n’y a d’ailleurs pas grand-chose à dire. On en profite pour aborder un autre sujet, les émotions procurés par le film. Bizarrement, ils sont absents sauf sur une scène, celle où Alfred demande pardon aux parents de Bruce devant leurs tombes. Pour un film se voulant être l’apothéose, on regrette de ne pas être pris émotionnellement comme face à Gladiator. La faute à un rythme toujours calme sans pics. Les évènements coulent ininterrompus comme une source n’ayant jamais connu la main de l’homme. On n’est jamais vraiment excité, on se contente de suivre le film.

J’arrive au bout de ma réflexion sur ce nouveau Batman. J’aurais surtout fait l’étalage de mon énorme déception qui aura pu brouiller mon jugement. Non, The Dark Knight Rises n’est pas un mauvais film mais là où on attendait une conclusion épique, on a juste un nouvel épisode du chevalier noir et même pas des plus réussis. Elle est là la vraie déception.

Allez, il faudrait peut-être que je cite les qualités du film pour vous convaincre de vous précipiter dans les salles obscures pour visionner ces nouvelles aventures. Tout d’abord, le film se savoure comme un bonbon, les 2h44 passent sans trop s’ennuyer, ni regarder l’heure. L’intrigue est suffisamment haletante pour avoir envie de connaître la suite. Surtout le film débute de la plus belle des manières avec une séquence aussi hallucinante que celle qui ouvrait The Dark Knight. Une géniale extraction aérienne. Il faut le voir pour le croire. Dommage que la séquence la plus impressionnante ne soit pas à la fin du film mais au début. Oh mince, je critique encore. Revenons vite aux qualités. La photographie est superbe, faisant regretter celle télévisuelle d’Avengers. On se prend à rêver d’une fusion entre Joss Whedon et Christopher Nolan : il serait probablement là, le comic movie parfait. En attendant, on aura la fusion Christopher Nolan/Zack Snyder avec Man Of Steel, le nouveau Superman. Et si c’était celui-ci le vrai film de super-héros épique ?

Conclusion

Alors qu’on attendait le meilleur épisode de la trilogie, on a peut-être le moins bon des trois (pour l’affirmer, il faudrait que je les revois tous à la suite). A force de vouloir faire un film énorme, Nolan se disperse et se perd. Un constat rappelant le Spider-Man 3 de Sam Raimi sans toutefois atteindre la même déchéance.
+ – Bane
– La photographie
– Nolan a beaucoup de talent pour narrer une intrigue…
– … mais pas pour mettre en boîte les scènes d’action
– Final décevant
– Pas si épique que ça
– Manque d’émotion
7/10
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