Critique : Snowpiercer, Le Transperceneige

« Le train, c’est le monde. »

Fiche

D’après la bande dessinée, Le Transperceneige, de Jacques Lob, Jean-Marc Rochette et Benjamin Legrand
Titre Snowpiercer, Le Transperceneige
Réalisateur Bong Joon-ho
Scénaristes Bong Joon-ho, Kelly Masterson
Acteurs Chris Evans, Song Kang-Ho, Ko Ah-sung, Tilda Swinton, Jamie Bell, Ed Harris, John Hurt, Octavia Spencer, Ewen Bremner, Alison Pill
Titre original Snowpiercer Date de sortie 30 octobre 2013
Pays Corée du Sud, États-Unis, France Budget
Genre Action, Drame, Science-Fiction Durée 2h 05

« Contrôler la Machine, c’est contrôler le Monde ! » 2031. Une nouvelle ère glaciaire. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s’est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d’hommes entraînés par l’un d’eux tente de lutter. Car l’être humain ne changera jamais…

Photo de Snowpiercer, Le Transperceneige
« C’est cool de faire un film à Hollywood, j’ai tout le temps pour fumer mon pétard. Si j’aurais su, j’aurais venu plus tôt. »

Critique

Quand Bong Joon-ho décide de faire un film à l’international, on jette un regard curieux. Quand un casting à faire pâlir un blockbuster hollywoodien se joint au projet, on s’arrête. Quand il s’agit d’une adaptation d’une bande dessinée française avec un nom très curieux, on se penche sur le projet. Quand on voit le film, on comprend qu’il s’agit d’une œuvre culte de la S.F.

Résumer Snowpiercer, Le Transperceneige est très simple, tellement simple que même un enfant rentrant à peine en classe préparatoire pourrait le faire : « C’est l’histoire des gens qui sont pauvres et qui sont tout au fond d’un train. Eh bien, ils sont jaloux des riches de l’autre côté du train donc ils s’énervent un peu et décident de traverser tout le train pour aller punir le chef ! ». On dit souvent que derrière les pitchs les plus simples se cachent les meilleures histoires. Snowpiercer, Le Transperceneige confirme la règle.

On a reproché, en Corée, à Bong Joon-ho d’avoir fait un film en anglais, mais c’est totalement propice à l’histoire, car au-delà de la couleur de peau ou de la nationalité, Snowpiercer, Le Transperceneige parle d’hommes et de femmes. Le train est une métaphore à peine dissimulée (et un peu simpliste) de la lutte des classes et de sa hiérarchie, les pauvres à la queue et les riches à la tête. Donc, peu importe leur nationalité.

C’est l’histoire des gens qui sont pauvres et qui sont tout au fond d’un train. Eh bien, ils sont jaloux des riches de l’autre côté du train donc ils s’énervent un peu et décident de traverser tout le train pour aller punir le chef !

Pour parfaire son pitch, le réalisateur s’adjoint un casting de haut-niveau. Je ne vais pas tous les citer, ça prendrait du temps mais ils sont TOUS (et sans exception) impeccables. La plus grande surprise restera Chris Evans. Bien loin de son image toute proprette de Captain America, l’acteur prouve qu’il est un grand et bouleverse dans le rôle de Curtis que Jean-Marc Rochette, dessinateur de la bande dessinée, définit, à raison, comme l’anti-Captain America. Son monologue final est un très grand moment de cinéma. Surprenant, le casting de haut-niveau est tellement grimé qu’ils en deviennent « laids ». On n’a pas à se demander s’ils jouent ou non des pauvres. Un simple regard suffit. À la queue du Transperceneige, nous sommes dans les tréfonds de l’humanité… Dans sa merde.

À l’opposé, les privilégiés sont soignés, impeccablement vêtus et condescendants (le combo idéal pour les $%*#). Le contraste en devient saisissant et accroît le sentiment d’injustice et de haine. On prend alors très vite le parti de Curtis et ses amis. Toutefois, toute cette haine est presque cristallisée sur le personnage de Tilda Swinton. L’actrice, presque méconnaissable, est absolument parfaite avec des manières agaçantes et surtout son discours résumant la situation sociale dans le Transperceneige. On adore la détester.

Autre personnage à part entière, le Transperceneige. J’avais peur d’assister à une répétition des mêmes décors à la suite avec juste une petite transformation physique pour illustrer le changement de statut lorsqu’on avance dans le train (à la manière d’un autre film S.F. culte, Cube). Surtout à cause d’un budget aussi faible (40 000 000 $ pour un film aussi ambitieux, c’est peu). Pas du tout. Un véritable travail a été effectué pour faire du train, une entité à part entière, quasiment divine. Le parcours des différents wagons est un moment jouissif même si un point m’a dérangé.

Spoiler

Où dorment les privilégiés ? On ne voit point leurs couches. Il aurait peut-être judicieux de le montrer même à la va-vite.

Néanmoins, le fonctionnement du train s’avère d’une logique implacable et on y croit. C’est l’essentiel. La partie la plus critique du film a été réussie avec brio. Surtout la présence des effets spéciaux ne se fait presque pas sentir hormis sur les plans d’ensemble pour montrer le monde extérieur et sur les séquences d’action faisant intervenir le train. Une gageure. Bon d’accord, ce n’est pas non plus excellent, mais ça reste d’un bon standing.

D’ailleurs tant qu’on parle d’action, les scènes ne sont pas particulièrement spectaculaires. Nous ne sommes pas dans la stylisation de la violence (dommage, car j’en suis extrêmement friand) mais dans la violence réaliste. Le film fait intervenir à sa moitié une scène de bataille plutôt impressionnante malgré l’encloisonnement (quel régal, le rebondissement en plein cœur du combat, des petits frissons m’ont parcouru). Malgré tout, on sent un peu trop que les coups sont portés à proximité et non pas sur les personnes elles-mêmes ce qui casse un peu la dynamique des combats.

Le film fait intervenir à sa moitié une scène de bataille plutôt impressionnante.

Peu importe, Snowpiercer, Le Transperceneige se fait pardonner avec des rebondissements à gogo. Il n’est pas rare d’être soufflé au détour d’une scène par la crudité du film. J’en parle justement, car au plein cœur de la bataille, un dilemme cornélien se pose à Curtis et le choix est fort surprenant. On comprend dès lors, qu’il ne faut pas s’attendre à un film prévisible. Une affirmation qui fait plaisir à dire et permettant de faire monter la tension d’un cran par la suite.

Pour ceux qui croyaient que le film allait être moins sanglant, « blockbuster » oblige, eh bien, ils auront raison même si le film ne s’épargne pas quelques taches de sang. C’est un peu dommage, car ça nuit au côté réaliste, mais ça ne le pénalise pas tant que ça. La réalisation est bien évidemment d’un haut standing tout en sachant s’effacer derrière l’histoire et ses personnages, la marque des très grands, mais c’était inutile de le dire. Bong Joon-ho n’a pas grand chose à prouver.

Si j’ai mis 10/10 au film, c’est grâce à une scène particulière. Une scène que j’ai cru être sorti tout droit du jeu vidéo Bioshock. Vous saurez laquelle sans peine dans le film. En tout cas, j’ai été bluffé par cette séquence dont la chute est imprévisible et démentielle.

J’ai beaucoup apprécié le final.

Spoiler : la fin

Certes, la note d’optimisme m’a un peu déçu, moi qui suis fan des fins nihilistes, mais je ne vais pas vous cacher qu’elle m’a fait plaisir surtout après un cheminement si crispant dans un environnement confiné. Avant tout, c’est de la confrontation finale avec Wilford que je veux parler. C’était un morceau pas évident à gérer, car c’est le passage qu’on attend depuis le début du film. Le résultat m’a beaucoup satisfait par la performance des deux acteurs. Ed Harris joue au serpent flatteur comme il sait si bien le faire et Chris Evans m’a choqué, c’est peut-être un peu fort disons plutôt épaté. Il a su parfaitement retranscrire l’état de doute de son héros confronté à un nouveau dilemme, digne du choix de Sophie. Faut-il conserver la machine en l’état ? Ou la détruire ? C’est d’autant plus poignant que son monologue qui a précédé résonne encore dans notre tête. C’est un peu le choix qu’on est tous confronté un jour : faut-il poursuivre son rêve ou se résoudre à la réalité (symbolisée ici par l’écosystème du Transperceneige) ? Par contre, les faux raccords, c’est moins cool (Claude qui disparaît et réapparaît).

Photo de Snowpiercer, Le Transperceneige
« Oui, toi ! Tu es le maillon faible. Au revoir ! »

Conclusion

Un chef d’oeuvre de science-fiction. Une date dans l’histoire du genre. Poignant jusqu’au bout.

PS: en me relisant, je me rends compte que je parle plus des défauts du film que de ses qualités. Effectivement, car je ne voulais pas vous gâcher le spectacle donc j’en ai dit le moins possible sur l’histoire, ce qui n’est pas évident, car c’est justement son point fort.

+ – Une pièce maîtresse de la science-fiction est née et on était là – Des faux raccords dans le final
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