Rashomon nucléaire
Fiche
| Titre | A House of Dynamite | Titre VO | – |
|---|---|---|---|
| Réalisateur | Kathryn Bigelow | Scénariste | Noah Oppenheim |
| Acteurs | Idris Elba, Rebecca Ferguson, Gabriel Basso, Jason Clarke, Greta Lee, Jared Harris, Tracy Letts, Anthony Ramos, Moses Ingram, Jonah Hauer-King | ||
| Date de sortie | 24 / 10 / 2025 (Netflix) | Durée | 1h 52 |
| Genre | Drame, Thriller | Budget | – |
Lorsqu’un missile de provenance inconnue est lancé sur les États-Unis, une course s’engage pour déterminer qui est responsable et comment réagir.
Critique
La dernière fois que j’ai été confronté au cinéma de Kathryn Bigelow, c’était avec Zero Dark Thirty (2012), dont je suis ressorti assez déçu. J’avais déjà eu un sentiment similaire, même si moindre, avec Démineurs (2008) : un bon film, certes, mais dont je peinais à comprendre la consécration à l’Oscar du meilleur film, surtout face à Avatar, District 9, Là-haut ou encore Inglourious Basterds (quelle fournée, quand même, cette année-là).
Retour « explosif » de Kathryn Bigelow
Treize ans plus tard, je retrouve la réalisatrice sur Netflix. Un changement de cap pas vraiment surprenant, tant son cinéma ne déplace plus les foules en salle. Son dernier long-métrage, Detroit (2017), n’avait d’ailleurs rapporté que 23 millions de dollars dans le monde pour un budget de 34.
Quoi qu’il en soit, elle met en scène avec A House of Dynamite un scénario signé Noah Oppenheim (qui, malgré son nom, n’est pas la version allégée d’Oppenheimer). Ce dernier a débuté sa carrière en coécrivant des films pour ados avec Le Labyrinthe (2014) et Divergente 3 : Au-delà du mur (2016), avant de prendre un virage plus politique avec le biopic Jackie (2016), puis la mini-série Zero Day, sortie plus tôt cette année.
Avec A House of Dynamite, Oppenheim signe sans doute son meilleur scénario, en adoptant une structure rendue célèbre par Rashomon (1950) d’Akira Kurosawa. À première vue, ce choix semble détonner avec le sujet, mais il s’avère redoutable pour instaurer la tension et éviter que le récit ne se perde dans la multiplicité des points de vue. Ce découpage permet de se concentrer, à tour de rôle, sur chaque perspective. Pour finir, le film aborde un thème qui hante notre époque : et si une attaque nucléaire était lancée ? Reste que les poissons rouges risquent de bien souffrir.
Le cauchemar moderne
L’un des défis majeurs du scénario tient à son vaste casting, conséquence du grand nombre d’entités impliquées. Comment, dès lors, impliquer émotionnellement le spectateur ? En misant sur des stars ou des acteurs chevronnés, capables d’instaurer un lien immédiat, même avec juste quelques brèves scènes d’introduction. On notera qu’Idris Elba réussit l’exploit, avec deux films consécutifs, d’être le Premier ministre du Royaume-Uni (Heads of State) puis le Président des États-Unis.
Kathryn Bigelow, fidèle à elle-même, livre des plans d’une efficacité redoutable et déploie un univers d’un réalisme saisissant, renforçant encore plus la tension. Impossible, dès lors, de ne pas imaginer un tel scénario se produire dans la réalité tant tout paraît crédible. Mention spéciale au glaçant pile ou face.
Enfin, pour relever le défi du montage — complexe comme on l’a vu précédemment —, Bigelow s’est entourée de Kirk Baxter, collaborateur régulier de David Fincher. Le monteur, nommé aux Oscars pour L’Étrange Histoire de Benjamin Button (2008) et oscarisé pour The Social Network (2010) puis Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes (2011) — que du Fincher — signe ici un travail exemplaire. Jamais le spectateur (sauf le poisson rouge) ne se perd dans la narration, malgré la structure “rashomonienne” et la densité du récit, grâce notamment à l’utilisation intelligente de répliques marquantes. Cerise sur le gâteau : le film évite soigneusement les redondances d’événements. A House of Dynamite s’impose ainsi comme un modèle du genre.
Par Christophe Menat espérant ne jamais vivre un tel scénario dans la vraie vie.
Conclusion
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Je ne m’attendais pas à être autant pris. A House of Dynamite adopte la structure de Rashomon pour mettre en scène un cauchemar moderne à travers un thriller tendu et captivant. Bigelow fait ici ce qu’elle sait faire de mieux accompagné d’un montage qui frôle la perfection (même si les poissons rouges vont souffrir). Si Netflix voulait prouver qu’il peut produire du grand cinéma, c’est réussi. |
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| 9/10 | |