Critique : The Revenant

Iñárritu fait son Gladiator

Fiche

D’après le roman de Michael Punke
Titre The Revenant
Réalisateur Alejandro González Iñárritu
Scénaristes Mark L. Smith, Alejandro González Iñárritu
Acteurs Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson, Will Poulter
Titre original Date de sortie 24 / 02 / 2016
Pays États-Unis Budget 135 000 000 $
Genre Aventure, Drame, Thriller, Western Durée 2h 36

Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.

Photo du film The Revenant avec Leonardo DiCaprio
« Mais, mais… Ce n’était pas là, hier, ça ! »

Critique

The Revenant était un projet que j’attendais depuis belle lurette. En fait, depuis cette première photo où j’ai découvert un Leonardo DiCaprio (mon acteur préféré) barbu, aux cheveux longs, habillé comme un trappeur et un fusil en main. De nombreuses griffures parsemaient son visage. Son regard décidé me donnait vraiment envie d’en savoir plus. Des mois après, la bande-annonce est arrivée et elle a tout tué. La promesse d’un chef d’œuvre. Cerise sur le gâteau, un autre membre du top 5 de mes acteurs préférés est aussi à l’affiche.

Le nouveau Iñárritu est un exercice techniquement virtuose. On fermera donc aisément les yeux sur les animaux en images de synthèse de mauvais goût (bizarre, vu l’énorme budget), car celui qu’il ne fallait pas rater n’est pas raté. L’animal au cœur de LA séquence du film : l’ours. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu l’animal aussi terrifiant. Il faut dire qu’entre Winnie, Petit Ours Brun et Ted, seul le Pedo Bear pouvait sembler encore inquiétant. N’oublions pas non plus le film de ce cher JJ, non pas l’Abrams, l’Annaud (L’Ours) qui nous forçait à haïr les chasseurs qui ont tué la maman du petit ourson. Bref, l’ours, c’était notre gentil petit pote et on avait tous bien envie d’en avoir un comme animal de compagnie. Du moins, jusqu’à The Revenant qui replace l’animal à sa place. Une des créatures les plus terrifiantes qu’on peut croiser dans une forêt.

L’attaque de l’animal contre Glass (Leonardo DiCaprio) permet de synthétiser le meilleur de The Revenant. Toutes les qualités du long-métrage sont réunies dans cette séquence. Une réalisation atypique et captivante basée sur des plans-séquences (le péché mignon du metteur en scène). Une photographie à tomber à la renverse. Une prestation démentielle de l’acteur sans Oscars (et de l’ours en passant, incarné par un cascadeur nommé Glenn Ennis). Un réalisme accru (chaque coup porté par l’ours marque le corps de Glass et l’esprit du spectateur). Durant cette séquence, j’ai été totalement subjugué et épaté par la technique. Cette séquence ne vient pas seule. On peut lui adjoindre la fabuleuse scène d’ouverture digne d’Il faut sauver le soldat Ryan et l’affrontement épique du climax où la chorégraphie cède sa place à l’instinct pur. En fait, chaque scène d’action de The Revenant est un grand moment.

Photo du cascadeur Glenn Ennis dans le costume de l'Ours de The Revenant
Le véritable ours de The Revenant (et non, ce n’est pas une blague).

Déshumanisation totale

Seulement, au-delà de toute considération technique, j’ai trouvé que le film se manquait totalement dans son aspect le plus important : raconter une histoire prenante. Personnellement, je n’ai jamais réussi à m’impliquer émotionnellement. Ça m’a fait le même effet que Gravity. Techniquement, c’est fabuleux, mais le périple de Sandra Bullock ne m’a fait ni chaud, ni froid.

Déjà, le film peut être résumé avec ce simple pitch : faire Gladiator chez les cowboys et les Indiens en mettant l’accent sur le côté survival. Chez Glass, on retrouve les mêmes souffrances et le même désir de vengeance que chez Maximus. Seulement, le héros n’est jamais installé. Il s’agit d’un personnage quasiment mutique (sauf quand il s’agit d’engueuler son fils ou balancer de répliques bad-ass : « T’es pas du bon côté du fusil, mon coco. »). Du coup, et malgré la présence de mon acteur préféré, je n’ai pas pu établir une connexion avec le personnage. Glass aura beau subir les pires souffrances imaginées par Dame Nature, j’étais plus intéressé par l’aspect technique de la chose et les leçons de survie (excellent, le coup du cheval, ça m’a rappelé des bons souvenirs : L’Empire Contre-Attaque) que par sa souffrance. Suis-je horrible ?

On peut aussi ajouter une vengeance finalement ringarde, à la limite du ridicule. Qu’est-ce qu’il y a de glorieux à suivre un walking dead à la poursuite de sa proie ? C’est un mort. Et les morts n’ont pas de sentiments. On peut néanmoins souligner leur ténacité. De plus, connaître à l’avance l’élément déclencheur (merci, la bande-annonce) permet, inconsciemment, de s’immuniser en ne s’attachant justement pas. Dès lors, lorsque survient la fameuse péripétie qui lance l’engrenage, il ne s’agit d’une simple… péripétie. Un événement attendu et préparé.

Fitz, la petite merde

D’autre part, Fitzgerald, l’antagoniste incarné par Tom Hardy est too much. En voulant faire du personnage, le miroir de Glass, les scénaristes se sont plantés et offrent un personnage si misérable qu’il ne mérite même pas l’intérêt que lui porte le héros. En bref, c’est une petite merde humaine. Un être méprisable.

On peut reconnaître à Tom Hardy qu’il fait des véritables prouesses pour personnifier une merde. Mais contrairement à Commode dans Gladiator (comparaison avisée à mon goût, car les personnages sont sensiblement proches), son développement reste assez sommaire. L’injustice est un sentiment simple qui peut être aisément amplifié. Dans le film de Ridley Scott, cela s’illustrait par le fait que le méchant montait tout en haut de la Tour d’Ivoire quand l’autre tombait en enfer. L’injustice était profonde, trop profonde pour qu’on puisse s’en accommoder. Tandis que dans The Revenant, Fitz semble être marqué par son geste guidé, avant toute chose, par la peur. Dès lors, en humanisant son personnage, les scénaristes gagnent en richesse, mais perdent en puissance. Ce qui fait que je n’ai pas réussi à m’imprégner de la même volonté de vengeance que Glass.

Pour boucler cette critique, je vais aborder la durée du film. Alors là, c’est trop long. Beaucoup trop. Surtout que le récit s’embarrasse d’inutiles séquences « oniriques » semblant être pompés sur Gladiator (encore lui…). Exemple tout à fait parlant, l’église en ruine. Une scène magnifique visuellement, mais plombant le rythme avec autant d’impact qu’un double canon scié sur un sanglier placé à dix centimètres de ses canons. Ce pauvre rythme n’en avait pas besoin. À trop vouloir faire dans le beau, le réalisateur en oublie son histoire et surtout de conserver l’attention de son spectateur.

Par Christophe Menat qui se demande quel film aura droit à son premier 10/10 de 2016, le .

Photo du film The Revenant avec Leonardo DiCaprio
– Mais, qu’est-ce que tu fous là, Leo ?
– Je me planque. C’est un gros malade mental, ce Iñárritu. Ok, je veux bien faire des efforts pour l’Oscar, mais là, c’est trop !

Conclusion

Véritable tour de force technique, The Revenant est avant tout… un véritable tour de force technique. J’en reste là, car je n’ai jamais réussi à accrocher à cette histoire de vengeance semblable à celle de Gladiator. À trop chercher la performance, Iñárritu en oublie de rechercher les émotions, éléments pourtant absolument essentiels à chaque grand film. Néanmoins, la première heure est dantesque !

+

  • Visuellement splendide
  • Chaque scène d’action, avec une mention spéciale pour l’attaque de l’ours
  • Les performances de Leo et Tom

  • Émotionnellement creux
  • Beaucoup trop long
  • Trop de scènes oniriques
7/10
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