« J’ai longtemps fixé le soleil et il m’a parlé »
Titre original : Kim-bok-nam Sal-in-sa-eui Jeon-mal (Bedevilled)
Réalisé par Jang Cheol-soo
Avec Young-hee Seo, Sung-won Ji Seo, Min-ho Hwang, Min Je, Ji-eun-i Lee et Jeong-hak Park.
Interdit aux moins de 16 ans
Long-métrage sud-coréen
Genre : Drame, Horreur, Slasher, Thriller
Durée : 1h55
Grand Prix du festival de Gerardmer 2011
Date de sortie du DVD/Blu-ray : 3 mai 2011
Hae-won (Sung-won Ji Seo) est une femme assez méprisable, elle est froide et ne veut pas se mêler des affaires des autres pour protéger sa petite personne. Mise en congés forcés suite à un débordement, elle retourne dans l’île Moodo où elle a passé son enfance et u retrouve son amie Bok-nam (Young-hee Seo). D’apparence paradisiaque, cette île est un théâtre d’horreur humaine.
Un film qui nous rappelle pourquoi on aime le cinéma
Il est rare (trop ?) les films qui nous tiennent en haleine du DÉBUT jusqu’à la FIN. Blood Island ne mérite pas son titre français ultra racoleur. « Blood Island » fait penser à un vulgaire slasher à peine digne d’être diffusé sur M6 en fin fond de soirée alors que 70% du film est avant tout un drame. Un drame d’une telle puissance qu’il écrase de multiples autres sans la moindre hésitation. Vous plaignez les pauvres petites riches qui ne trouvent pas de maris ou tout ce qu’on voit dans les films hollywoodiens, attendez de voir Blood Island (non, décidément, je ne m’y ferais pas à ce titre, dorénavant je l’appellerais par son titre international qui lui va beaucoup mieux : Bedevilled (traduction : tourmenté)).
Le réalisateur nous sert un portrait d’une communauté horrible et effrayante. Le genre qui vous ferait fuir la zone rurale en courant. Toutefois l’île est d’une beauté inouïe arrivant à nous masquer les monstruosités qui se déroulent en son sein.
Le film dure deux heures et en paraît une heure vingt. Bedevilled passe du drame au slasher avec une grâce inouïe sans qu’on y voit à redire. C’est un véritable tour de force dans un domaine où pullulent les bobines faisant état d’un boogeyman ou alors un tueur sans aucune véritable justification (par exemple, le très récent Scream 4). Dans Bedevilled, c’est avec une véritable jouissance qu’on voit l’arrivée du tueur. Il va pouvoir enfin mettre fin à ce spectacle d’inhumanité incarné par tous les personnages sauf deux et ce n’est pas forcément ceux qu’on croit.
Je vois mal comment continuer sans parler du film. Pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, je vous conseille de vous arrêter là, de vous précipiter pour acheter le DVD/Blu-ray et d’y revenir une fois le visionnage fini.
Réflexion sur le film (spoiler)
Le film est très fort en nous soumettant des personnages finalement si humains. Pas une seule seconde, on ne se dit « Mouais, c’est un peu too much ». Les deux frères se tiennent et se comportent comme les rois de l’île et ils le sont réellement. Qui pourrait leur faire concurrence dans une île où ils sont les seuls hommes ? Ils sont les maîtres de l’île et se comportent comme tels agissant à leur guise tel les rois fous de notre histoire.
Il est aussi intéressant d’analyser le comportement des quatre mégères, leur lâcheté n’a d’égal que leur aveuglement et leur sens de la tradition. On imagine bien qu’elles ont été elles-mêmes soumises à de tels agissements surtout au détour d’un dialogue lorsque les deux hommes parlent de la disparition de tous les hommes de l’île et comment elles se sont partagés le seul homme survivant. Sans oublier, les allusions à la consanguinité ambiante de l’île. Pouvons-nous les justifier ? Non mais on dispose tous des histoires entendues à droite, à gauche faisant état de ce type de personnage, principalement dans les zones rurales.
Quant à l’héroïne, être méprisable mais finalement si commun, elle est le symbole de la lâcheté urbaine comme pour nous rappeler que ce n’est pas de la zone rurale qu’on fait le procès (s’il y en a un) mais bien de la nature humaine. Elle n’est pas le seul symbole, le policier du continent qui vient faire un tour en est un aussi, il en est même plus fort car il est censé incarner la droiture de la justice. On ne pourrait pas lui trouver de justification du type « Il s’est juste fait berner » en effet les multitudes cadeaux qu’il reçoit lors de son départ sont bien synonymes de pot de vin (de surcroît plus évident quand on connaît les conditions de vies de ces paysans).
Qui reste-t-il comme symbole d’espoir en l’humanité ? Cette femme qui est à la fois portée par l’amour de sa fille mais aussi enchaînée à l’île à cause de cet amour. Difficile de s’enfuir avec un enfant dans les bras (on a vu les conséquences quand elle le tente). Elle est aussi la représentation symbolique du spectateur qui accuse le coup devant ce spectacle de marionnettes et d’horreur. On accuse, on accuse sans pouvoir y réagir à tel point que lorsque le déclic se fait, c’est avec un soulagement qu’on l’accueille. La partie slasher du film n’en est que plus humain et on y trouvera rien à redire. Même les plus droits d’entre nous ne pourront pas censurer cette débauche de violence, on ne peut que la cautionner. Que reste-t-elle à cette femme que cette violence qui débute avec un des plus beaux plans du film et une réplique marquante (voir le titre de l’article) ? Elle a tenté jusqu’au bout en utilisant tous les moyens pour s’enfuir de l’île et vivre son rêve à Séoul. La mort de sa fille a produit le déclic qui les mènera tous à leur perte.
Complètement subjectif, j’ai quand même été déçu que la *#% des villes s’en sorte mais cela a quand même permis d’obtenir une des plus belle scènes du film avec la mort de la véritable héroïne. Un véritable tour de force de Jang Cheol-soo pour avoir réussi à nous faire accepter cette débauche de violence et même à considérer la tueuse comme l’héroïne de l’histoire.
Le blu-ray
L’image est très belle, un très bon point pour elle. Le reste c’est plutôt décevant, le son est moyen et les bonus très pauvres, juste une présentation du film par Charles Tesson (critique et historien du cinéma) et une galerie de photos.
Bedeviled méritait tellement plus.
L’horreur n’est pas forcément celle qu’on croît et Bedevilled nous en fait une démonstration magistrale. Un des drames les plus durs de ces dernières années servi par un slasher d’une efficacité redoutable. Véritablement pas un film à mettre entre toutes les mains.
« Two thumbs up » pour reprendre une expression américaine utilisée quand un film est excellent !
Sa scène culte : vous en retiendrez 3 ou 4 facile. Difficile d’en choisir une seule.
Note : 9/10
Un blu-ray très décevant malgré une belle image qui fait honneur au travail du directeur de la photographie.
Image : 9/10
Son : 6/10
Bonus : 3/10
PS : je me suis dit « Mais, je ne vais pas encore mettre un 9 pour un film » avant de me raviser et de me dire « Estime toi heureux d’avoir pu voir deux bombes d’affilée vu les daubes et films moyens que tu t’es tapé récemment ».
PS2 : le dvd du film est aussi proposé avec le Mad Movies de ce mois-ci.