Critique : Mank

La tête, les couilles, mais pas le cœur

Fiche

Titre Mank Titre VO
Réalisateur David Fincher Scénariste Jack Fincher
Acteurs Gary Oldman, Amanda Seyfried, Charles Dance, Lily Collins, Arliss Howard, Tom Pelphrey
Date de sortie04 / 12 / 2020 (Netflix) Durée2h 12
GenreBiopic, Comédie, Drame Budget

Le Hollywood des années 1930 revisité à travers le regard d’Herman J. Mankiewicz, critique social et scénariste alcoolique, alors qu’il s’efforce de finir « Citizen Kane ».

Critique

David Fincher. Un grand nom du cinéma. Mais bizarrement, ça fait six ans qu’on ne l’a pas vu à l’affiche. Depuis le fascinant Gone Girl en 2014. Entre-temps, il a bossé avec Netflix sur deux séries, et pas de la merde, le génial Mindhunter (malheureusement annulé) et le tout aussi génial Love, Death + Robots. Bref, il se plaît tellement chez eux qu’il a signé un contrat exclusif de quatre ans.

Quel est le point commun entre Fincher et Oldman ?

Avant d’attaquer la critique de Mank, je voulais faire un tour du côté des anecdotes, car il y en a à la pelle. Tout d’abord, Gone Girl. Avant Mank, quel était le point commun entre David Fincher et Gary Oldman ? Ils ont, tous les deux, été mariés à la même femme. Pas en même temps, je vous rassure. Fincher a été marié à Donya Fiorentino de 1990 à 1995, puis Oldman a pris le relais entre 1997 et 2001. Résultat, la fille de Fincher et les deux fils d’Oldman sont des demi-frère/sœur.

Autre point commun, les deux mariages se sont terminés en désastre. Au point que la rumeur parle d’une inspiration pour Gone Girl. Un exemple ? L’ex-femme de Gary Oldman l’a accusé de violences. Elle a ressorti l’affaire quand Oldman a eu un Oscar pour Les heures sombres. Leur fils a défendu son père en rappelant que cette accusation a été discréditée. De plus, Oldman a eu la garde exclusive des deux garçons en 2001. Fait extrêmement rare, donc pas très bon signe pour la mère. Pour enfoncer le clou, le rejeton a coupé les ponts avec sa mère à l’âge de 13 ans. Bref, une histoire qui n’est pas sans rappeler celle de Gone Girl, non ?

Fincher intime

Allez, continuons les anecdotes, mais cette fois-ci sur une note plus légère. Le scénario a été écrit par Jack Fincher. Non, ce n’est pas le frère, mais le père. David Fincher voulait le tourner après The Game (1997), mais le studio a refusé, car il ne voulait pas du noir et blanc façon Citizen Kane. Ce qui est dommage, car c’est clairement un de ses plus gros points forts. Esthétiquement, le long-métrage est beau à tomber par terre. Surtout, pour l’énorme fan de Citizen Kane que je suis (je le considère comme un des meilleurs films que j’ai vu dans ma vie de cinéphile), c’est du génial fan service. Bref, personne d’un peu intéressé par les rouages d’Hollywood ne sera étonné en apprenant cette histoire.

Ceux-là même savent que David Fincher est très pointilleux. Mank l’a confirmé à nouveau. Par exemple, l’actrice Amanda Seyfried a confessé à Collider qu’elle a dû tourner un plan environ 200 fois. Ça a pris une semaine entière. Cherry on the cake ? Elle n’avait pas une seule ligne de dialogue. Même histoire avec la grande scène du dîner, au point qu’Oldman a pété les plombs en balançant : « David, j’ai fait cette scène une centaine de putain de fois. ». Ce dernier lui a retoqué un lapidaire : « Ouais, je sais, mais c’est la 101. On recommence ! ».

Dernière anecdote. Une petite, cette fois-ci. David Fincher a retrouvé Charles Dance après… Alien³ (1992). Comme j’aime bien cet Alien, je la cite.

Making Citizen Kane

Tout d’abord, il convient de rappeler que Mank raconte l’écriture du chef d’œuvre d’Orson WellesCitizen Kane, par Herman Mankiewicz. Chef d’œuvre d’Orson Welles ? Vraiment ? J’y reviens plus tard. Du coup, est-ce qu’il faut avoir vu ce fameux Citizen Kane ? Je ne pense pas que ce soit obligatoire. Néanmoins, je le conseillerais très fortement. Pour trois raisons. Un, c’est un chef d’œuvre. Je ne suis pas le seul à le considérer comme tel. L’American Film Institute l’a qualifié comme meilleur film américain de tous les temps. Deux, David Fincher livre une performance esthétique façon fan service. Trois, le sujet, c’est quand même la création de Citizen Kane donc autant savoir de quoi on parle.

Pour info, j’avais déjà vu un téléfilm autour de sa production, RKO 281 (1999), car disponible dans le coffret Blu-Ray que j’avais acheté. John Malkovich y jouait Herman Mankiewicz et on retrouve quasiment tout le casting de Mank. D’Orson Welles (Liv Schreiber => Tom Burke) à William Randolph Hearst (James Cromwell => Charles Dance) en passant par Marion Davies (Melanie Griffith => Amanda Seyfried) et Louis Mayer (Roy Scheider => Arliss Howard). Sauf que le téléfilm s’intéresse davantage à la production du film, ainsi Orson Welles est le protagoniste principal.

Préquel de RKO 281

Ici, Welles est au second plan. Pour faire court, on est dans le préquel :P. Dès lors, le plus intéressant demeure l’écriture du scénario. Du moins, sa première version. Au final, on nous apprend que la géniale écriture (en tout cas, moi, je ne savais pas) et la construction de la narration autour d’une chronologie désarticulée n’est pas du fait de Welles, mais de Mankiewicz. Résultat, j’ai été fasciné. Surtout qu’on nous plonge également dans les méandres de ce Hollywood via le producteur Louis B. Mayer. C’est d’ailleurs au cœur d’une séquence absolument géniale. C’est même ma scène préférée du film. Du coup, je m’en suis inspiré d’un de ses répliques pour le titre de cette critique.

J’ai également adoré les passages à Hearst Castle. Ayant eu la chance de visiter le vrai château, c’est toujours délicieux de voir ces décors emplis de vie.

Il est également important d’avoir vu Citizen Kane où, au moins, de connaître un minimum le contexte, car le biopic de David Fincher évite justement toutes les explications classiques du genre. C’est limite si on n’est pas lâché dans la nature avec notre seule connaissance du sujet. Heureusement, on évite la chronologie bien particulière du film d’Orson Welles pour se concentrer sur un simple récit ponctué de flash-backs.

Manque de cœur

Après, le problème que j’ai avec Mank. C’est qu’au-delà de la performance exceptionnelle de David Fincher et son équipe au niveau de l’esthétique, c’est que ça manque cruellement d’émotions. J’ai trouvé que c’était très superficiel sur ce point. Jamais je n’ai vraiment réussi à m’attacher aux personnages, me contenant de les suivre de loin. Si les acteurs livrent des performances mémorables au niveau de la technique, ils manquent de cœur. Or, comme disait Louis Mayer, un film, ça doit prendre à la tête, au cœur et aux couilles. David Fincher n’aura frappé chez moi qu’à la tête et au cœur. C’est déjà pas mal, mais pas suffisant pour en faire un chef d’œuvre.

Aussi, il y a trop de scènes inintéressantes à mon goût. Principalement avec l’infirmière jouée par Lily Collins.

Par pas forcément déçu, mais quand même un peu déçu. Bref, statut : c’est compliqué.

Conclusion

Dans Mank, Louis Mayer dit qu’une bonne œuvre doit prendre à la tête, au cœur et aux couilles. David Fincher livre ici une œuvre esthétiquement mémorable tout en rendant hommage aux scénaristes et à Citizen Kane. Seulement, ça manque de cœur pour en faire un véritable chef d’œuvre. Ah oui, il est conseillé d’avoir vu le long-métrage d’Orson Welles pour l’apprécier entièrement.

+

  • Sublime hommage au métier de scénariste (trop sous-estimé, surtout dans le cinéma français)
  • Esthétique reprenant celle de Citizen Kane
  • Amanda Seyfried est envoûtante

  • Manque de cœur
  • Trop de scènes inutiles
7/10
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