Critique : 12 Years A Slave

Du très grand cinéma !

Fiche

D’après l’autobiographie de Solomon Northup
Titre 12 Years A Slave
Réalisateur Steve McQueen
Scénariste John Ridley
Acteurs Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch, Paul Dano, Paul Giamatti, Sarah Paulson, Lupita Nyong’o, Quvenzhané Wallis, Garret Dillahunt, Brad Pitt, Scoot McNairy
Titre original Date de sortie 22 janvier 2014
Pays États-Unis Budget
Genre Biopic, Drame, Histoire Durée 2h 15
New York, 1841. Solomon Northup, un jeune afro-américain, est kidnappé et réduit à travailler comme esclave dans des champs de coton en Louisiane. Son calvaire durera près de 12 ans.
12 Years A Slave Photo
La réaction des vrais esclaves après avoir vu le film de Thomas Ngijol, Case départ.

Critique

Encensé par la presse, 12 Years A Slave débarque avec fracas dans nos salles francophones. La cacophonie était-elle méritée ? Portrait du nouveau film de Steve McQueen.

Steve McQueen est un réalisateur avec seulement deux films au compteur (12 Years A Slave est son troisième) à l’âge de 44 ans, mais rien qu’avec deux films, il a déjà balancé un jab suivi d’un uppercut aux cinéphiles. Son premier, Hunger, revenait sur la mort de Bobby Sands suite à une grève de la faim (hunger) pour protester sur les conditions d’emprisonnement de son groupe membre de l’IRA. Shame parlait de l’addiction sexuelle de son héros, Brandon, et de la honte (shame) qui en découlait. Autant dire qu’il était déjà un réalisateur à suivre avant 12 Years A Slave. Toutefois avec ce dernier, il va accéder à la postérité mondiale !

Avec seulement deux films, Steve McQueen a déjà balancé un jab suivi d’un uppercut aux cinéphiles.

Cette année est décidément faste en « black history ». On avait eu droit à l’émouvant Le Majordome revenant sur le siècle dernier du point de vue des afro-américains. Il y avait aussi le nouveau Tarantino, Django Unchained, où un esclave s’affranchissait et se vengeait de ses « maîtres ». Assurément, Django est le film à voir après 12 Years A Slave pour nous libérer de nos pulsions meurtrières qui s’accumulent à chaque plan du nouveau Steve McQueen.

Car à l’inverse de Django, Solomon Northup n’a rien d’un héros. Il n’est qu’un homme retrouvé piégé et subissant la loi de ses geôliers. Un homme né libre et devenu esclave. Dans le film, nous suivons les douze années de sa vie en tant qu’esclave. Pour cela, le scénariste John Ridley (U Turn, ici commence l’enfer, Les Rois du désert) s’est basé sur les mémoires de Solomon (pour ceux que ça intéresse le livre est tombé dans le domaine public). Je ne vais pas vous mentir, à la lecture de la filmographie du scénariste, j’ai pris peur. Toutefois, Steve McQueen (le mac de la Reine, :P) a su délivrer une œuvre magistrale qui risque de faire date au cinéma. Le genre de pellicule qui s’accapare du statut de classique à peine sorti.

12 Years A Slave Photo
« Allez, n’fais pas ton radin. Une couille, c’est rien ! »

Ceux ayant vu les précédents travaux du réalisateur britannique savent que ce dernier ne s’embarrasse pas avec la pudeur, il n’y avait qu’à voir le traitement du sexe dans son Shame. Dans 12 Years A Slave, il semble établir un contrat avec le spectateur : « Je te promets de montrer toute la vérité et rien que la vérité sans mélo, sans renfort d’artifices dramatiques, en échange, tu ne détournes pas le regard face à ces images insoutenables. Vois l’histoire comme elle s’est passée. ». Fort heureusement, le réalisateur sait que ses images sont lourdes donc il parsèmera son film d’interludes « contemplation de la nature ». Des séquences parfois prodigieusement agaçantes sur certains films, car elles plombent le rythme, sauf que dans le film du jour, elles permettent de souffler entre deux séquences chocs. Sans oublier que les images sont d’une beauté à se damner. A la fin, difficile de croire que le film dure 2h 15.

Cinématographiquement parlant, 12 Years A Slave est une réussite incontestable. Nombreux sont les plans à interpeller (quelle photographie de Sean Bobbitt, fidèle comparse de Steve McQueen qui a aussi œuvré sur The Place Beyond the Pines). Les scènes chocs composent avec un réalisme effrayant (difficile de voir où se cache l’artifice comme sur cette scène où Solomon se fait taper violemment sur le dos par un sanguin armé d’un morceau de bois qui se détériore à chaque coup) renforçant leur impact. Je ne me suis plus posé la question de savoir si j’étais au cinéma, j’étais trop occupé à me révolter face à de tels traitements. Le tout sur une sublime musique d’Hans Zimmer. Oui, le Hans, compositeur des musiques parmi les plus mémorables du cinéma.

C’est probablement ça qui fait le plus froid au dos. Cette sensation de voir l’humanité sans filtre.

D’ailleurs, il n’est pas le seul grand nom du long-métrage, il n’y a qu’à voir le casting. À noter que Brad Pitt, non seulement content d’être acteur sur le film, en est aussi producteur. Un tel engagement de sa part est déjà un indice quant à la qualité du projet. Je me demande comment Steve McQueen a-t-il réussi à embaucher tous ces grands noms pour des rôles aussi ingrats. Des rôles pas évidents à interpréter, car ce sont pratiquement tous des personnages « sales ». Parmi la performance la plus mémorable, on retiendra évidemment, Michael Fassbender (acteur fétiche du réalisateur, trois films sur trois ensembles). L’acteur n’avait plus besoin de démontrer son talent hors-norme, mais il semble vouloir franchir un nouveau palier et repousse encore les limites. Quelle performance ! L’Oscar n’est pas loin.

Le film est encore plus maîtrisé et mémorable par le fait qu’il ne s’embarrasse pas d’un fil conducteur narratif bidon. On a davantage l’impression de voir un livre. En effet, il y a une réelle volonté de montrer la vie dans les plantations. La vie telle qu’elle était. Sans en faire trop, ni pas assez. Malgré les portraits monstrueux qui sont dressés, j’ai été surpris de voir l’humanité qui ressortait de chaque personnage (chaque, sans exception). Ils sont tous des hommes et des femmes, autant les maîtres que leurs esclaves. Pas une seconde, je ne me suis dit : « Non, mais là, ce n’est pas crédible. ». C’est probablement ça qui fait le plus froid au dos. Cette sensation de voir l’humanité sans filtre.

Photo du film 12 Years A Slave avec Benedict Cumberbatch
« Dans une vie, j’ai été Khan. Dans une autre, j’ai été un dragon. Mais maintenant, je suis face à vous pour vous montrer la lumière. » La secte Cumberbatch est née !

Conclusion

Difficile d’en dire plus sur le film sans verser dans les superlatifs (exercice que j’aime peu). En tout cas, je peux dire une chose : « J’ai traversé le film sans un bruit, bouleversé par ce qui se déroulait à l’écran. J’en suis ressorti tout retourné et avec l’amère impression d’avoir vécu dans ces plantations esclavagistes. ». Plus qu’une chose à faire, regarder Django amener de la justice dans ces endroits semblant sortir d’une vision de l’enfer.
+ – Un film complet dans tous les sens du terme – Dur à supporter
Trophée10/10
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