D’une sincérité touchante
Fiche
Titre | Moonlight | Titre VO | – |
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Réalisateur | Barry Jenkins | Scénariste | Barry Jenkins |
Acteurs | Trevante Rhodes, Mahershala Ali, Naomie Harris, André Holland | ||
Date de sortie | 01 / 02 / 2017 | Durée | 1h 51 |
Genre | Drame | Budget | 5 000 000 $ |
Après avoir grandi dans un quartier difficile de Miami, un jeune Noir tente de trouver sa place dans le monde. Moonlight évoque son parcours, de l’enfance à l’âge adulte. |
Critique
La dernière fois que je suis allé voir un film qui ne me tentait pas parce que ses notes, que ce soit sur Imdb ou Rotten Tomatoes, sont trop bonnes pour que j’en fasse l’impasse, c’était Manchester by the sea. Résultat, c’était bien joué et l’histoire était vraiment dure. Mais bon, je m’étais plutôt emmerdé dans l’ensemble au point que j’avais du mal à comprendre les notes dithyrambiques. Du coup, j’étais un peu inquiet avant Moonlight.
Franchement, rien à redire. Le long-métrage de Barry Jenkins est un vrai bijou qui m’a épaté par sa capacité à être incroyablement juste tout du long. D’un, on ne s’emmerde jamais (montage rapide, dialogues bien ciselés, personnages intéressants). De deux, les acteurs sont tous géniaux. De trois, la réalisation est aussi soignée qu’une figurine d’un fou de Warhammer. Particulièrement avec quelques bonnes petites idées comme cette caméra accrochée sur la portière d’une voiture. De quatre, j’ai fini la séance marqué par le dernier plan du film. Lorsque le générique de fin défilait, je m’étais retrouvé coincé avec une sensation bizarre. Cette sensation si rare qui ne survient que lorsque notre corps comprend qu’on a assisté à un film qui nous marquera à vie alors que la raison ne l’a pas encore assimilé.
Trois Chiron au clair de la lune
Pour raconter l’histoire de Chiron, Barry Jenkins coupe son scénario en trois parties à chaque fois séparée par une décennie. Chaque partie est illustrée par une couleur et est marquée par une étape de la vie de Chiron. Après le visionnage, le choix de prendre des acteurs physiquement assez différents (difficile de leur trouver des ressemblances) pour incarner Chiron peut paraître assez bizarre, mais on sent vraiment une volonté de disposer d’acteurs capables de transmettre l’émotion recherchée plutôt que de s’embêter à trouver trois acteurs d’âge différent qui se ressemblent, mais qui n’ont pas suffisamment de talents.
Car, chaque partie est vraiment équilibrée en termes de durée. Dès lors, il suffirait qu’une seule partie se casse la gueule pour que l’ensemble de Moonlight s’écroule. Fort heureusement, pour contrebalancer cette différence physique, Barry Jenkins offre des astuces avant d’amorcer une nouvelle partie afin de reconnaître le « nouveau » Chiron. Jamais appuyées, ces astuces ont le mérite d’être d’une simplicité enfantine, mais d’une efficacité redoutable. À l’image de Moonlight, en fait.
Des sujets casse-cous maîtrisés à la perfection
Par ailleurs, en racontant le récit de Chiron, Barry Jenkins dresse un portrait d’une véracité éblouissante. À mille lieux des clichés des films situés dans le même contexte. Il n’est pas difficile de comprendre d’où vient ce semblant d’authenticité. C’est tout simplement parce qu’en adaptant la pièce de Tarell Alvin McCraney, Barry Jenkins y a insufflé des éléments autobiographiques. Alors quand en plus, la pièce en comportait aussi… J’ai énormément apprécié de voir un film qui ouvre son cœur au spectateur tout en esquivant impeccablement chaque cliché sur les sujets qu’il aborde. Le dealer est plus qu’un dealer. La racaille est plus qu’une racaille. L’homosexuel est plus qu’un homosexuel. Le junkie est plus qu’un junkie. Moonlight est plus qu’un film. Il est une œuvre qui doit absolument être vue.
Par Christophe Menat dont le dernier plan de Moonlight est encore imprimé sur sa rétine, le 23 janvier 2017.
Conclusion
En divisant son film en trois parties, où chacune attaque un morceau d’une décennie de la vie du héros Chiron, pour aborder des sujets difficiles, Barry Jenkins fait preuve de maîtrise. En esquivant tous les clichés, le réalisateur livre, avec Moonlight, un long-métrage dont le visionnage résonne encore, une fois sorti de la salle. Une œuvre rare et un des meilleurs films de l’année.
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9/10 |