Fiche
D’après une histoire vraie | |
Titre | Foxcatcher |
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Réalisateur | Bennett Miller |
Scénaristes | E. Max Frye, Dan Futterman |
Acteurs | Steve Carell, Channing Tatum, Mark Ruffalo, Sienna Miller, Vanessa Redgrave, Anthony Michael Hall |
Titre original | – | Date de sortie | 21 / 01 / 2015 |
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Pays | États-Unis | Budget | – |
Genre | Biopic, Drame, Sport, Thriller | Durée | 2h 14 |
Inspiré d’une histoire vraie, Foxcatcher raconte l’histoire tragique et fascinante de la relation improbable entre un milliardaire excentrique et deux champions de lutte. |
Critique
Le jour où j’ai su que Foxcatcher serait un très, très grand film, c’est quand j’ai découvert l’anecdote suivante : sur la séquence où Channing Tatum s’explose la tête contre un miroir, l’acteur s’est vraiment coupé le visage et a saigné. Ce jour-là, j’ai eu raison.
Bennett Miller est un réalisateur de peu de films, mais quels films. En 2005, il a épaté le monde avec son biopic sur Truman Capote qui a permis à Philip Seymour Hoffman d’obtenir un Oscar et de devenir un des acteurs les plus estimés au monde. En 2011, il remet ça, avec le fascinant Le Stratège, un autre biopic revenant sur le parcours d’une des équipes les plus atypiques du baseball américain où au lieu de chercher de former une équipe de meilleurs joueurs, le héros tente de former la meilleure équipe de joueurs possible. Une nuance subtile, mais qui fait toute la différence. Cette année, on reste toujours dans le biopic et dans le sport, sauf qu’au lieu du baseball, on s’oriente vers la lutte.
Encore, une fois, il s’agit d’un sport qui n’a que très peu d’échos en Europe. Néanmoins, Foxcatcher prend du recul par rapport au sport. Ne vous attendez donc pas à un clone de Rocky. Il s’agit d’une intelligente analyse sur la psychologie d’individus qui, par leurs conditions, se retrouvent à être isolés du monde qui les entoure. D’un côté, Mark Schultz (Channing Tatum), champion olympique de lutte, et de l’autre, John du Pont (Steve Carell), milliardaire de naissance. Entre les deux se dresse Dave Schutlz (frère de) incarné par Mark Ruffalo.
L’homme qui transformait les comiques en acteurs oscarisables
Si j’étais un acteur d’Hollywood (comique de surcroit), je supplierais Bennett Miller de me faire jouer dans son prochain film. Il faut dire que voir ce qu’il a fait de Philip Seymour Hoffman sur Truman Capote et Jonah Hill sur Le Stratège. C’est-à-dire deux acteurs considérés comme des seconds rôles comiques et désormais devenus des cadors dans l’art dramatique. La preuve, Jonah Hill a pu enchaîner ensuite avec Le Loup de Wall Street. Comme s’il le savait, comme s’il avait un secret, Bennett Miller remet ça avec Foxcatcher en prenant… Steve Carell ! Un choix très étonnant. Cantonné jusque-là à des comédies sans grosse prétention (même si on peut compter sur quelques perles comme Little Miss Sunshine ou Crazy, Stupid, Love), l’acteur américain fait sa mue en livrant la performance de sa vie. Dans Foxcatcher, on ne voit plus Steve Carell, seulement John du Pont. Au point de faire dire à la femme de Dave Schutlz : « J’étais très mal à l’aise en voyant Steve sous les traits de John du Pont. Il était dans la peau du personnage la plupart du temps, et c’était extrêmement déstabilisant de le voir comme ça. ».
De l’autre côté de l’amitié, on trouve Channing Tatum. Sa performance est moins surprenante que celle de Steve Carell, car le natif de Cullman en Alabama a déjà prouvé à multiples reprises qu’il est plus qu’un simple beau gosse. Néanmoins, il ne faut surtout pas minimiser sa performance. Channing Tatum a eu recours à une transformation faciale notable (sans aller jusqu’aux deux heures de maquillage de Steve Carell) pour rentrer dans la peau de Mark Schultz. Une prouesse qui gomme son côté beau-gosse et renforce son côté animal, proche de l’ours. Une créature imposante qu’on craint d’irriter. En plus de ça, l’acteur intériorise tout. Au point qu’une réplique du personnage est aussi rare qu’un arbre vert en plein cœur de l’automne. Channing Tatum a été jusqu’au point de se maltraiter physiquement lors d’hallucinantes scènes où son personnage ressent le besoin d’extérioriser sa frustration.
Troisième larron du trio, Mark Ruffalo est celui qui surprend le moins, surtout quand on se remémore sa magnifique prestation dans The Normal Heart. Comme ses deux autres collègues, il subit une transformation physique qui se traduit pour lui par une calvitie. Ses échanges avec Channing Tatum traduisent une forme de complicité évidente sans pourtant être expansive. C’est surtout lors des séquences de lutte que le duo fait des merveilles. On ne les sent pas en train de se forcer. Je ne connais rien à la lutte, donc ça joue peut-être, mais leurs mouvements m’ont semblé très naturels.
Des personnages, plutôt que des discours
Pour l’histoire, je ne m’épancherais pas dessus pour ne pas spoiler. Juste un conseil, évitez d’essayer de connaître les détails sur les personnages avant de voir le film pour garder la surprise. Ne m’étant pas renseigné sur l’histoire, j’ai pris une jolie claque. Par contre, je soulignerais l’excellente réalisation de Bennett Miller qui a su mettre en scène la solitude de ses personnages via des scènes où il ne se passe rien, sans jamais m’ennuyer. La plupart du temps, surtout au début, les personnages déambulent sans réel but. Pourtant, ça reste intriguant, car les acteurs en disent tellement avec leurs visages et leurs expressions. J’ai pris un réel plaisir en les sondant pour essayer de les analyser. Surtout que Bennett Miller joue merveilleusement avec ses personnages, notamment John du Pont qui subit une transformation une fois la moitié du film passée. C’est tellement rare ce genre de cinéma qui préfère soigner ses personnages plutôt que de nous les briser avec un discours pompeux.
Durant le visionnage, j’ai noté que Bennett Miller est un fan d’un vieux procédé d’Hollywood désormais sous-utilisé. À savoir l’utilisation du maquillage pour transformer les acteurs en leurs personnages. C’est ainsi que Marlon Brando est devenu le Parrain. C’est ainsi que Dustin Hoffman est devenu le Little Big Man. Le must, c’est que non seulement les acteurs deviennent meilleurs, mais en plus, ils sont méconnaissables pour les spectateurs ce qui rend leurs prestations encore plus mémorables. Foxcatcher, ou une certaine idée du cinéma.
Par Christophe Menat, le .
Conclusion
Foxcatcher est un classique instantané. À peine vu, déjà un classique. Après Truman Capote et Le Stratège, Bennett Miller ne finit pas de s’améliorer et livre son meilleur film à ce jour, bien aidé par trois acteurs à un niveau exceptionnel.
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10/10 |