Quand la surdité se raconte sans fard
Fiche
Titre | Elle entend pas la moto | Titre VO | – |
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Réalisateur | Dominique Fischbach | ||
Date de sortie | 10 / 12 / 2025 | Durée | 1h 30 |
Genre | Documentaire | Budget | – |
À la veille d’une célébration familiale, Manon, jeune femme sourde et lumineuse, rejoint ses parents en Haute-Savoie. Dans la beauté des paysages alpestres, l’histoire du clan se redéploie entre archives familiales et images filmées par la réalisatrice depuis 25 ans.Porté par la force intérieure de Manon, le film trace un chemin d’épreuve et de résilience. La parole émerge enfin, là où le silence a longtemps régné.
Critique
J’ai eu la chance d’être invité à une avant-première un peu par hasard — rien à voir avec mon activité sur le blog, mais plutôt grâce à mon entourage lié au monde de la surdité. Pour situer un peu, je suis sourd oraliste et j’ai appris la langue des signes sur le tard. Bref, je suis allé voir Elle entend pas la moto sans rien savoir du film : pas de bande-annonce, pas de synopsis, pas même une fiche.
Du coup, j’ai été un peu décontenancé au début : la narration est très décousue, ponctuée de nombreux flash-backs sur l’héroïne et sa famille. J’étais même impressionné par le choix des acteurs, tant ils ressemblaient à leurs homologues « du présent ». Leur jeu sonnait juste, avec des dialogues bruts et vrais, loin des phrases trop bien construites.
Jusqu’au moment où j’ai compris que ce n’était pas un film de fiction, mais bien un documentaire. La confirmation est venue à la fin de la projection, lorsque Dominique Fischbach, la réalisatrice, a expliqué avoir fouillé dans les archives de la famille et réutilisé des images de deux documentaires qu’elle avait réalisés sur elle : Petite Sœur (diffusé en 2003 dans l’émission L’œil et la main, après avoir été refusé par Strip-tease) et Grande Sœur (toujours dans L’œil et la main, en 2010).
Archives et émotions : une mémoire familiale bouleversante
Ce choix explique aussi le démarrage assez lent, où l’on suit Manon — l’héroïne — arrivant avec son mari et son fils (adorable, et c’est d’ailleurs à lui que l’on doit le titre du film) au chalet d’Opa et Oma, ses grands-parents. Comme souvent dans ce genre de récit, une petite mise en contexte permet au public de découvrir la surdité de Manon. On apprend aussi qu’un frère est décédé quelques années plus tôt.
Mais là où le documentaire prend vraiment son envol, c’est avec l’utilisation des flash-backs. En multipliant les allers-retours entre passé et présent, la réalisatrice dévoile le parcours de Manon dans le monde de la surdité, notamment sur le plan médical. Ayant moi-même vécu certaines de ces réalités, j’y ai reconnu des morceaux de ma propre enfance, notamment la difficulté à trouver sa place dans un monde d’entendants.
Le film s’intéresse aussi à Maxime, le frère de Manon, lui aussi sourd. Son absence reste longtemps entourée de mystère, que la réalisatrice dévoile progressivement, jusqu’à deux échanges bouleversants où le père occupe une place centrale. Deux scènes d’une intensité émotionnelle rare, au point que j’ai laissé échapper quelques larmes. D’autant plus que la réalisatrice appuie là où ça fait mal en convoquant les images d’archives.
Par Christophe Menat qui espère que ce documentaire rencontrera le succès et fera comprendre à quel point l’Éducation nationale peut se montrer catastrophique dans ses choix.
Conclusion
Elle entend pas la moto est bien plus qu’un documentaire sur la surdité : c’est un portrait de famille, fragile et puissant à la fois. Ce mélange d’images du passé et de scènes du présent crée une œuvre hybride, parfois déroutante, mais d’une sincérité désarmante. |
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8/10 |