Critique : Crimson Peak

Une belle enveloppe sans lettre

Fiche

Titre Crimson Peak
Réalisateur Guillermo del Toro
Scénaristes Guillermo del Toro, Matthew Robbins
Acteurs Mia Wasikowska, Tom Hiddleston, Jessica Chastain, Charlie Hunnam, Jim Beaver
Titre original Date de sortie 14 / 10 / 2015
Pays États-Unis Budget 55 000 000 $
Genre Drame, Épouvante, Fantastique, Horreur Durée 1h 59

Au début du siècle dernier, Edith Cushing, une jeune romancière en herbe, vit avec son père Carter Cushing à Buffalo, dans l’État de New York. La jeune femme est hantée, au sens propre, par la mort de sa mère. Elle possède le don de communiquer avec les âmes des défunts et reçoit un étrange message de l’au-delà : « Prends garde à Crimson Peak ». Une marginale dans la bonne société de la ville de par sa fâcheuse « imagination », Edith est tiraillée entre deux prétendants: son ami d’enfance et le docteur Alan McMichael.

Photo du film Crimson Peak réalisé par Guillermo del Toro
– J’ose imaginer que ça doit être un sacrifice pour payer la facture EDF.
– Que nenni, ma mie. Je n’abaisserais jamais à la payer. Je suis un baron, très chère.

Critique

Guillermo del Toro est un réalisateur que je tiens en haute estime. Je l’ai découvert avec Mimic et n’ait rien manqué depuis. Il faut dire que tout ce qu’il touche devient des excellents films (je regrette encore qu’il ait abandonné son Hobbit). Son dernier long-métrage, Pacific Rim, était un vrai plaisir de gamins. Cette fois-ci, il revient vers un registre plus intimiste, le film de fantômes mâtiné d’amour. Le tout dans un style gothique.

Visuellement, Crimson Peak épate. Le soin apporté à l’image, aux costumes et surtout aux décors illustre une vraie richesse. Si la première partie du film reste assez classique dans sa représentation du New-York du XIXe siècle, la deuxième change de vitesse et livre un manoir époustouflant. La première fois où j’ai découvert le manoir, j’ai été subjugué par sa beauté. Quelle attention portée aux détails ! Je rêverais de m’y balader (dommage qu’ils ont détruit le décor après le tournage). Il n’y a pas à dire, Crimson Peak est une grosse réussite du côté de l’image.

C’est beau, … mais c’est vide.

Derrière ce titre se cache toute ma frustration face à Crimson Peak. Qu’est-ce que c’est creux… J’ai ressenti la même sensation face au film qu’avec une douche froide imposée. Beaucoup d’agacement, de la frustration et de la colère. Il y a dans Crimson Peak, une chose que je déteste dans les films d’épouvante, avoir toujours deux coups d’avance sur l’héroïne. Au bout d’une vingtaine de minutes, j’avais déjà deviné la totalité du film. Plus aucun suspense pour me saisir les tripes. Pourtant, Knock Knock, moins ambitieux et avec des gros ratés, avait réussi à le faire.

En plus, Edith Cushing, l’héroïne incarnée par Mia Wasikowska, est fade à mon goût. C’est typiquement, le genre de filles qui aligne tous les mauvais choix possibles. Avec la force de l’habitude grâce aux visionnages de films d’horreur, j’ai appris à me détacher de ce genre de personnages pour éviter de hurler dans la salle « Mais, ce n’est pas possible d’être aussi conne ! ». Guillermo del Toro a beau lui adjoindre le beau Loki, pardon Tom Hiddleston, aucune alchimie entre les deux. Ça la fout vraiment mal après l’insistance du réalisateur mexicain avant la projection sur le fait que Crimson Peak est avant tout une histoire d’amour. D’accord, mais quand on sait dès le départ que l’autre est un monstre (et pas vraiment du style de la Bête, de La Belle et la Bête)… Comment voulez-vous y adhérer ? De toute façon, je n’ai pas ressenti d’alchimie entre les deux acteurs, c’est froid à l’image de la neige qui entoure le manoir.

Photo du film Crimson Peak réalisé par Guillermo del Toro
« Enfin, je vous attrape cher client. Je suis un représentant de la compagnie EDF. Donc concernant vos impayés… »

J’ai retrouvé avec plaisir le Son of Anarchy et pilote de Jaeger, Charlie Hunnam, mais bon, le personnage est si secondaire que je préfère passer directement à la seule actrice qui tire son épingle du jeu : Jessica Chastain, dans le rôle de Lady Lucille Sharpe. Difficile de ne pas voir en Lucille Sharpe, un personnage d’une série très connue, mais l’actrice rousse (enfin, pas dans le film) réussit à en faire une figure inquiétante. Trop, même. Si ça permet d’offrir une scène marquante dans la cuisine où elle laisse éclater sa colère, ça donne aussi beaucoup trop d’indices.

Une ghost story où les fantômes ne servent à rien

Les fantômes ? Ben franchement, s’ils n’étaient pas là, ça ne changerait pas grand-chose. De prime, les séquences où ils apparaissent sont assez mollassonnes (on est loin de chez James Wan). Leur seul apport à l’histoire est de permettre à Edith de découvrir le fin mot de l’histoire. Génial…

Tiens, ça me fait penser à une séquence que j’ai trouvée ridicule. Un moment, l’héroïne prend un bain, la pièce est grande ouverte sur le couloir, un couloir qui amène au hall et le hall a un gros trou sur le toit. Donc autant vous dire que ça doit cailler à mort. Surtout que l’héroïne s’est auparavant plainte du froid. Ça ne l’empêche tout de même pas de sortir de la baignoire toute nue et de prendre le temps de s’habiller comme si elle était dans une salle de bain chauffée à 35°. Bref, c’est un détail et ça ne change rien au film, mais ça renforce le sentiment qu’on est sur un plateau et non pas dans un manoir paumé au milieu de nulle part. Quand on voit que James Cameron avait refusé de chauffer l’eau lors du tournage de Titanic, il s’est peut-être mis les acteurs à dos, mais au moins à l’écran, ça se ressent. Le petit cri que pousse Kate Winslet avant de rentrer dans l’eau, ça change tout.

Quant au manoir, j’ai été vraiment déçu de voir que Guillermo del Toro n’a jamais réussi à lui insuffler vie, Encore une fois, je vais me répéter : c’est beau (ce « sang » qui dégouline des murs dans la cave, superbe), mais c’est vide. Je n’ai jamais ressenti le poids du passé, ni quoi que ce soit. On est loin du modèle du genre : l’hôtel Overlook de Shining. Quel dommage, surtout quand on voit l’excellent travail qui a été fait dans sa construction pour lui insuffler une personnalité unique.

Par Christophe Menat complètement dégoûté, le .

Photo du film Crimson Peak réalisé par Guillermo del Toro avec Mia Wasikowska
« C’est décidé, je me mets à la bougie. Ils sont trop flippants chez EDF. »

Conclusion

Crimson Peak était un de mes films les plus attendus de l’année 2015 et est bien parti pour être ma plus grande déception de cette année. Sa seule qualité réside en son enveloppe (décors magnifiques, costumes impressionnants, photographie sublime). M’enfin, c’est bien joli d’avoir une belle enveloppe, mais il ne faudrait pas non plus oublier de soigner la lettre à l’intérieur. On découvre un récit bateau où se mélange amour, drame, thriller et fantômes sans que l’un des genres ne soit réellement satisfaisant. Oh Guillermo, comment as-tu pu te rater comme ça ? Au final, dans le style, vaut mieux se tourner vers le Jane Eyre de Cary Joji Fukunaga (avec justement Mia Wasikowska).

+

  • Visuellement, à tomber par terre
  • La performance de Jessica Chastain

  • L’histoire est prévisible, molle et longuette
4/10
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