Critique : Beyond: Two Souls

Deux âmes unies à jamais

Fiche

Titre
Beyond: Two Souls
Éditeur  Sony
Développeur  Quantic Dream
Réalisateur David Cage
Scénariste David Cage
Acteurs Ellen Page, Willem Dafoe, Eric Winter
Plate-forme PlayStation 3 Date de sortie 9 octobre 2013
Pays France Budget
Genre Action, Aventure, Drame, Fantastique, Science-fiction, Thriller

Vous êtes Jodie Holmes, une jeune femme qui possède des pouvoirs surnaturels à travers le lien qu’elle entretient avec une entité invisible. Vivez les moments les plus marquants de la vie de Jodie dans un voyage émotionnel où vos actions et décisions auront directement des conséquences sur le scénario.

Critique

Après le chef d’œuvre Heavy Rain, David Cage nous livre une nouvelle merveille répondant au doux nom de Beyond: Two Souls. À la différence de ses anciens travaux (The Nomad Soul et son David Bowie mis à part), David Cage y dirige deux acteurs à la renommée mondiale : Ellen « Juno » Page (exceptionnelle ici) et Willem « Platoon » Dafoe. Dès lors se pose la question : pouvons-nous considérer Beyond: Two Souls comme un jeu vidéo ?

Pour ma part, cette question était déjà répondue avec Fahrenheit ou même encore avant avec Dragon’s Lair. Les jeux de Quantic Dream, The Nomad Soul encore une fois mis à part, lient deux univers que le monde (rigide) veut à tout prix séparer : le cinéma ET les jeux vidéo. D’où la naissance du débat puéril « Beyond: Two Souls, un jeu vidéo OU un film ? » comme s’il était impossible de concilier les deux. Comme si le « ET » était une hérésie. Ce que David Cage et son équipe font pourtant à merveille. Car des deux univers, ils en récupèrent les éléments qui leur plaisent le plus. Du cinéma, le sens de la réalisation, une histoire ficelée et trépidante, des acteurs provoquant des sentiments. Du jeu vidéo, l’immersion du joueur et la possibilité de « choisir » sa fin. On peut aussi noter des emprunts aux séries télévisées.

Pouvons-nous considérer Beyond: Two Souls comme un jeu vidéo ?

Avec Beyond: Two Souls, on peut remarquer l’évolution du genre « film interactif », le terme qui correspond probablement le mieux aux jeux de Quantic Dream, depuis Fahrenheit et Heavy Rain. David Cage a écouté les critiques et s’est débarrassé des actions superflues parfois trop lourdes d’Heavy Rain comme à l’ouverture du frigo où il fallait simuler l’ensemble des mouvements. Surtout dans les scènes d’actions, il a enlevé toutes indications textuelles. Mais comment pouvons-nous savoir quel est le geste à employer ? Tout simplement par un mécanisme très simple, mais à l’efficacité redoutable. C’est par rapport au mouvement de l’héroïne que nous savons quel mouvement effectuer avec la manette. Le gros mérite de ce nouveau mécanisme, c’est qu’il permet de pouvoir suivre l’action en toute décontraction sans être obnubilé par l’affichage des boutons. L’impact cinématographique est donc renforcé car devenu lisible ! Une nouvelle façon de voir le QTE en retournant aux origines (Dragon’s Lair).

Par contre, là où le jeu fait un pas en arrière, c’est par rapport à la difficulté globale. Le jeu est très facile (trop même). Sûrement, un objectif voulu pour pouvoir toucher le public non-joueur (proche de celui de la Wii). Même les non-joueurs peuvent jouer à Beyond: Two Souls. Mais pourquoi ne pas avoir offert un mode difficile ? Bref, on sent la volonté de David Cage d’installer durablement le « film interactif » dans le monde. Il est surprenant que même de nos jours, personne n’ait encore osé s’engouffrer dans la brèche pour le concurrencer.

Du fait de la particularité de Beyond: Two Souls, je ne le jugerai pas en tant que jeu vidéo d’où l’apparition d’une nouvelle sorte de fiche au début de la critique (j’ai mélangé les fiches cinéma et jeu vidéo) pour l’orienter vers le film interactif comme il en existait des dizaines dans les années 90 : Urban Runner, Dragon’s Lair, Phantasmagoria 2. Par facilité, ces jeux ont été qualifiés de Point & Click. Un genre que j’adorais et malheureusement tombé en désuétude. Néanmoins vu que Beyond: Two Souls est une exception de nos jours, je ne peux donc pas créer une nouvelle catégorie sur le blog.

Exit le thriller horrifique lorgnant sur Se7en et Le Silence des Agneaux. Bienvenue à un mix de Rambo et Carrie, une œuvre rappelant beaucoup l’œuvre du maître de l’horreur, Stephen King.

Après un long interlude sur le débat entourant Beyond: Two Souls, il serait peut-être temps de critiquer le film interactif, non ? Traumatisé par Heavy Rain, je craignais que son successeur n’arrive jamais à l’égaler. D’où l’intelligence de David Cage de changer complètement de genre. Exit le thriller horrifique lorgnant sur Se7en et Le Silence des Agneaux. Bienvenue à un mix de Rambo et Carrie, une œuvre rappelant beaucoup l’œuvre du maître de l’horreur, Stephen King. Comment ne pas voir en Jodie, l’ersatz de Charlie ou Carrie ?

Sans en dévoiler plus sur l’intrigue, je peux tout simplement dire que j’ai été complètement pris par l’histoire, n’arrivant que très (et j’insiste sur le « très ») difficilement à interrompre ma partie. Comme sur Heavy Rain, j’ai joué plusieurs heures d’affilées sans m’arrêter (mais des gros paquets, genre quatre ou cinq heures). David Cage a fait un excellent boulot sur son histoire avec une particularité peu commune et rarement convaincante au cinéma : nous suivons l’héroïne sur quinze ans en commençant à ses dix ans. Comme le jeu est entièrement fait en motion capture, c’est le vrai visage d’Ellen Page qui est capté et rajeuni. L’effet est saisissant, car nous trouvons réellement un air de ressemblance entre Jodie enfant, Jodie adolescente et Jodie adulte. Il y a donc une évolution morphologique de Jodie au fil des années. Dès lors, je me suis encore plus attaché à Jodie, car je l’ai vu grandir et devenir une femme. Un énorme sentiment de fierté s’est empli dans mon cœur quand je l’ai vu accomplir des tâches hors-normes. Beyond: Two Souls est probablement un des rares jeux à provoquer une telle proximité émotionnelle entre l’héroïne et le joueur/spectateur du fait du mélange empathique de deux supports (le cinéma et les jeux vidéo). Les visages qui vieillissent s’appliquent aussi aux autres personnages notamment Willem Dafoe.

Par contre, si le jeu est bluffant au niveau des visages (surpassant sans peine le pourtant saisissant L.A. Noire), il marque un contraste trop important avec le reste des graphismes pourtant très beaux. En cela, Quantic Dream a encore du travail à accomplir. Mais dans l’ensemble, Beyond: Two Souls offre des décors d’une excellente qualité et donne un sentiment bizarre que ces lieux existent au même niveau que les personnages (notamment la chambre de Jodie).

Niveau action, pas de surprise, on retrouve la marque de David Cage qui est particulièrement friand des courses-poursuites en QTE (ses héros se retrouvent souvent pourchassés par toutes les forces policières) et des combats au style « le chat et la souris ». Ils sont très agréables à vivre/jouer surtout avec le nouveau gameplay (sans bouton). Notons aussi des phases infiltrations bouleversant un peu nos habitudes. Attention, nous ne sommes pas dans un Metal Gear ou un Splinter Cell. Ça reste très basique, mais elles ont le mérite d’illustrer la volonté de David Cage de diversifier l’expérience du joueur. Aussi, Beyond: Two Souls propose un gameplay novateur via le personnage d’Aiden, l’entité relié à Jodie permettant ainsi de vivre l’aventure à deux. Une excellente idée qui va permettre aux joueurs de jouer avec des amis, de la famille ou leurs compagnons non-initiés aux jeux vidéo. On y retrouve un peu de The Nomad Soul qui proposait une expérience hors du commun où une majorité de genre se retrouvait mélangé, du GTA-Like, du FPS et de la plate-forme sans oublier la possibilité d’investir le corps des ennemis. Un jeu extrêmement novateur qui lui a valu d’être plébiscité par la critique et les joueurs.

Quantic Dream n’a toujours pas réussi à corriger quelques bugs de maniabilité parfois très agaçants.

Par contre, Quantic Dream n’a toujours pas réussi à corriger quelques bugs de maniabilité parfois très agaçants. Il arrive parfois qu’il soit très difficile de franchir une porte à cause d’une caméra positionnée de façon tellement « spéciale » (trop cinématographique) que le personnage devient peu aisé à maitriser. Cela reste tout de même un léger bémol.

Spoiler

On retrouve beaucoup de Fahrenheit dans Beyond: Two Souls. Un mélange très bien foutu entre du fantastique, de la SF et du thriller. On vit alors une aventure qu’on est sûr de ne pas vivre au cinéma, ni en série. D’un parce que c’est beaucoup trop long pour un film et de deux, parce que ça couterait trop cher à faire en série. Beyond: Two Souls multiplie les moments cultes.

« La Mission », c’est un passage que je n’oublierais jamais, surtout l’enfant-soldat. Je n’oublierais pas non plus mes nuits dans la peau d’un SDF et cette aventure miraculeuse digne d’un conte de Noël. Ça m’a même fait verser une larme. Que dire aussi de l’aventure « Navajo » avec cette entité démoniaque…

La grande force du nouveau jeu de Quantic Dream concerne aussi le traitement de l’héroïne. Le fait de l’avoir connu depuis sa tendre enfance a provoqué en moi un instinct paternel qui m’a donné envie de la protéger contre tout ce qu’il lui arrive. En cela, nous sommes alors fusionnés à Aiden qui devient l’ersatz du joueur. Je me suis énervé pas possible quand j’ai vu ces mecs bourrés prêts à violer Jodie. Inutile de vous dire que je n’en ai pas laissé un seul vivant. Je me suis attendri quand j’ai vu Jodie vouloir partager un moment amoureux avec Ryan, même si je ne pouvais pas le blairer. Dans Beyond: Two Souls, nous sommes Aiden ! Et Jodie, le personnage le plus proche qu’on n’aura jamais dans un jeu vidéo. A noter le beau twist sur l’identité d’Aiden à la fin du jeu.

La fragmentation du jeu en plusieurs périodes dans la vie de Jodie et en multipliant les allers-retours dans le temps a été habilement géré par David Cage. Cela permet d’installer du suspense et des temps morts entre deux séquences particulièrement hardcores. Sans cesse, je me suis demandé ce qu’il y a bien pu se passer pour que Jodie se retrouve en fugitive. Par contre, ce format particulier a un prix. Surement à cause d’une intrigue entremêlée dans le temps, le jeu devient plus linéaire qu’Heavy Rain.

Test

Graphisme : 9/10 – Les visages sont une véritable merveille, on reconnait sans peine les acteurs derrière et ils permettent de faire transiter des émotions très fortes. Un véritable exploit contrebalancé par un contraste parfois trop fort entre les acteurs principaux et le reste du jeu.

Gameplay : 6/10 – Difficile de se montrer convaincu par le gameplay tant la difficulté est faible. On peut tout de même apprécier la tentative d’étoffer avec des phases d’infiltration et ceux avec Aiden sans oublier des scènes QTE plus lisibles qu’auparavant. Par contre, dommage que le personnage principal soit parfois si difficile à maitriser quand l’action s’emballe. La coop me fait rajouter un point à l’ensemble.

Durée de vie : 7/10 – Dix à douze heures de jeu. Des heures qui resteront gravées dans votre mémoire. Comptez-en beaucoup plus si vous voulez voir toutes les fins (surtout avec l’impossibilité de passer les cinématiques).

Histoire : 10/10 – C’est simple, j’ai succombé et je n’ai pas réussi à lâcher la manette tant que je n’en ai pas vu la fin.

Son : 10/10 – Rarement un jeu m’aura autant faire vibrer musicalement parlant. Que dire aussi des voix (VO indispensable !).

Son point fort – Un film interactif d’une envergure épique.

Son point faible – Il aurait été bien de proposer un mode difficile.

Conclusion

Beyond: Two Souls marque une évolution dans le genre « film interactif » initié par Quantic Dream avec Fahrenheit avec l’aide de deux stars (sans être le premier à le faire, on se rappelle de la saga Onimusha avec Takeshi Kaneshiro et Jean Reno) du cinéma. En somme, c’est une aventure unique et poignante qui nous est demandée de vivre. Le genre de jeu qui restera à vie.

Merci David Cage.

Trophée10/10
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