Critique : Red State

Craignez le Seigneur

Fiche

Réalisateur Kevin Smith
Scénariste Kevin Smith
Acteurs John Goodman (The Artist), Michael Angarano (Piégée), Melissa Leo (Fighter), Nicholas Braun, Kyle Gallner (Freddy – Les Griffes de la nuit), Anna Gunn, Kerry Bishe (le sitcom Scrubs), Michael Parks, Stephen Root
Pays USA Date de sortie 26 juin 2012 (Direct-to-video)
Genre Épouvante, Horreur, Thriller Durée 1h28
Budget 4 000 000 $
Trois adolescents vivant dans le Midwest américain répondent sur Internet à une annonce promettant des relations sexuelles. Ils sont loin de se douter qu’ils vont tomber entre les mains d’une secte d’extrémistes religieux aux intentions macabres.

Critique

Dernier film de Kevin Smith, Red State revient sur un sujet en vogue, les fanatiques chrétiens au pays de l’oncle Sam. On y retrouve l’amour de Kevin Smith pour le verbe, ses réalisations sont probablement les plus bavards du cinéma sans jamais verser dans l’inutile. Les très nombreuses répliques sont là pour façonner ses personnages, les densifier et surtout en faire des extensions de la vie.

Pour son premier film sérieux (comprendre sans Jay et Bob, ses deux personnages cultes, ni d’humour gras), Kevin Smith s’attaque sur plusieurs sujets qui lui tenaient à cœur, les armes, la religion (déjà attaquée frontalement dans Dogma) et la politique avec une maîtrise faisant froid au dos. Réalisation misant sur la caméra à l’épaule avec un filtre rendant le tout aussi aseptisée que les couloirs d’un hôpital des meilleurs films d’épouvantes donc anxiogène, la formule fait mouche avec le sujet et prend aux tripes du spectateur et ce dès la première confrontation, pourtant anodine, avec la secte. On comprend dès le départ que quelque chose ne va pas surtout avec l’apparition furtive du vieil homme. S’en suit la rencontre avec trois joyeux larrons occupés par des pulsions adolescentes : fourrer le plus de chattes possibles. L’un deux trouve sur le net une petite annonce posée par une femme mûre voulant une relation sexuelle avec les trois… en même temps. Bien sûr, les choses ne se déroulent pas comme elle faut.

La grande force de Red State est de jouer avec le spectateur en multipliant les twists vraiment chocs et inattendues rappelant l’excellent film d’horreur La Cabane dans les Bois. Quand je dis inattendues, c’est vraiment le cas. J’en ai pris plein le cul, attendez-vous à tout en lançant le nouveau film de Kevin Smith, les ficelles du genre sont quasiment inexistantes. Il est malheureusement difficile d’en parler sans spoiler sur le film donc je ne peux que vous encourager de visionner le film.

Parlons tout de même des sujets abordés. La plus grosse part concerne la religion : Kevin Smith prend en cible ces groupes de fanatiques religieux chrétiens (ça fait toujours plaisir de rappeler que les seuls fanatiques ne sont pas forcément musulmans, n’en déplaise à certains). A leur tête, un gourou très charismatique (impressionnant Michael Parks) inspiré par Fred Phelps (révérend américain célèbre pour ses prises de positions extrêmement homophobes et racistes). On comprend aisément pourquoi ses fidèles le suivent aveuglement tant le bonhomme y déploie à merveille son arsenal du Parfait petit gourou notamment sur l’hallucinante prêche. Il a bien mérité son prix du meilleur acteur au Festival International du Film de Catalogne de Sitges. Avec un style de l’écriture manié à merveille depuis des années (Kevin Smith écrivait des excellents comics à une époque et il a écrit le scénario de tous ses films à l’exception de Top Cops comme par hasard son plus mauvais film), le réalisateur/scénariste se laisse aller aux pires extrémités sans jamais tomber dans l’over the top pourtant si facile à s’y engouffrer mais si difficile à y sortir.

Là où il m’a surpris, c’est dans la réalisation des scènes d’actions où il déploie un sens du rythme et de la tension prenant aux tripes du spectateur (surtout durant la tentative d’évasion des jeunes). Au moins la réalisation de Top Cops lui aura permis d’apprendre des choses malgré un tournage calamiteux à cause de dissensions avec sa star Bruce Willis.

Notons aussi la présence de John Goodman en tête d’affiche pour un de ses meilleurs rôles, un agent de l’ATF (Bureau of Alcohol, Tobbaco, Firearms and Explosives) désabusé mais aussi l’extraordinaire Melissa Leo. Vous vous rappelez de la maman de Mark Wahlberg et Christian Bale dans Fighter ? Eh bien, c’est elle. Elle est absolument terrifiante dans ce film, capable de passer avec aisance de l’agneau au loup. Véritablement une sorcière des temps modernes (pas besoin de tonnes de maquillages pour terrifier les spectateurs). En tout cas, on est bien content d’avoir un écran pour marquer une frontière entre son personnage et nous.

Bien sûr, l’humour est toujours présent dans cette production action/horrifique sauf qu’elle est noire notamment via ce final complètement fou où personne n’en réchappe vraiment. On connaissait Kevin Smith, le joyeux déconneur, le romantique et on découvre ici le dépressif peignant un portrait du monde horrible sans humour pour faire passer la sauce…

Conclusion

Kevin Smith se régale et tout le monde en prend pour son grade. Toutefois, il réussit là où on ne l’attendait pas : faire un film sérieux sur un sujet sérieux avec une vision intéressante.

Red State marque l’aboutissement de Kevin Smith en tant que cinéaste, vivement son prochain long : Hit Somebody.

+ – Michael Parks
– Melissa Leo
– John Goodman
– L’humour grinçant
– Les retournements de situation
– Critique de la religion pas assez approfondie
Trophée8/10
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