Attention, cet article contient des spoilers !
Enemy se termine avec le plan « what the fuckien » suivant :
Mais qu’est-ce que cela veut donc dire ? Au début, j’ai cru que la femme s’était transformée en araignée géante, car c’était une extraterrestre qui avait pris le corps d’une femme pour pouvoir avoir des bébés. Under The Skin était encore imprégné dans ma mémoire 😛 .
Pour ne pas finir comme la serveuse du Cheesecake Factory, analysons cela.
En fait, l’araignée représente la Femme. Ce dernier plan permet de nous livrer les premiers indices qui vont nous servir à voir le film d’une autre façon. Évidemment, un deuxième visionnage se révèle nécessaire, mais bon, je vais essayer sans grâce aux analyses que j’ai lues à droite et à gauche (oui, je triche 🙂 ).
La citation la plus importante du film est celle de Karl Marx dans son livre, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte :
Tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois […] la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce.
Dès lors, le plan final illustre justement la farce de cette histoire avec le personnage de Jake Gyllenhaal qui va reproduire les erreurs de son double en succombant à l’infidélité : symbolisé par cette clé qui amène à la séquence du début du film dans la boîte glauque où l’on voit une araignée se faire écraser. Ceci explique donc la peur de cette araignée géante qui sait qu’elle va se faire aplatir à nouveau – on la comprend, la pauvre, mais bon sang, elle est géante, elle a des ressources pour éclater le Prince de Perse easy. Pour Adam/Anthony, la femme est une araignée. Elle tisse sa toile autour de son homme pour l’emprisonner dans une relation. Jolie métaphore.
Mais reste à expliquer l’existence de ce fameux double ? L’explication la plus récurrente, c’est que le personnage de Jake Gyllenhaal est dédoublé. Il a deux personnalités : le mari (avec la femme enceinte jouée par Sarah Gadon) et l’infidèle (avec la maîtresse, Mélanie Laurent). Par contre, là où c’est un peu flou et rarement pleinement convaincant dans les explications que j’ai lues, c’est de savoir si les deux personnages sont bien une seule et même personne physique, schizophrène donc. Les arguments fusent des deux côtés et j’avoue que ma balance penche vers « une seule et même personne » donc les séquences où les deux personnages cohabitent ne sont juste que des séquences fantasmées. Bien aidé par le fait que les deux seules rencontres se font dans des pièces vides – un autre comportement illogique des personnages, perso, j’aurais plutôt rencontré mon double comme tout le monde dans un bar et sûrement pas dans un motel glauque situé à une heure de la ville. Au début, j’ai cru que c’était dû à des limitations techniques, mais finalement non.
La séquence qui illustre le mieux l’hypothèse de la schizophrénie, c’est la rencontre entre la femme enceinte et Adam, le professeur. À première vue, on pourrait croire que celle-ci est hallucinée de voir la ressemblance entre Adam et son mari (Anthony). Finalement, si l’on se réfère à l’hypothèse comme quoi Adam et Anthony sont une seule et même personne, on pourrait résumer sa surprise à voir son mari jouer le rôle du professeur Adam et faire comme s’il ne la connaissait pas (bien aiguillée par le fait qu’on ne voit pas le visage d’Adam lors de la recherche sur Internet ; Anthony peut donc s’être inventé une identité en subtilisant l’identité de quelqu’un d’autre). Cette hypothèse atteint son paroxysme lors de l’appel de la femme enceinte à Anthony alors qu’Adam est encore à l’écran et que la réponse ne se fait entendre que lorsqu’Adam quitte l’écran.
Par contre, là où j’ai du mal, c’est avec le climax. La fameuse marque laissée par la bague, plus précisément. Lorsque la maîtresse pète les plombs à la découverte de la marque laissée par la bague de mariage, encore une fois, double interprétation. À première vue, on pourrait croire qu’elle réagit comme ça, car elle découvre qu’il ne s’agit pas d’Adam puis avec l’hypothèse de la schizophrénie, parce qu’elle découvre qu’il est marié. C’est à ce moment-là qu’on prend conscience que les scènes avec la maîtresse se déroulent systématiquement de nuit (de prime abord, jamais jusqu’au petit matin) et dans cet appartement miteux, ça illustre vraiment une relation extra-conjugale. Par contre, je ne m’explique pas pourquoi la maîtresse n’a jamais remarqué cette marque auparavant. Pourquoi à cet instant précis ? La seule réponse plausible pour satisfaire l’hypothèse de la double personnalité, c’est qu’il s’agit d’une séquence fantasmée pour symboliser la décision d’Anthony d’interrompre son infidélité. Mais je trouve ça trop facile.
Comme vous pouvez l’observer, il est difficile de rationaliser pleinement Enemy tant le film comporte des zones d’ombre. Il ne vous reste donc plus qu’à vous faire votre propre analyse.