Critique : bref. 2

Je vois bien la scène d’origine de bref. 2.

Scénario – La naissance de la suite

INT. QG DE CANAL+ – JOUR

Kyan « Je » Khojandi et Bruno « Navo » Muschio proposent à Canal+ de faire la suite de bref..

CANAL+
Merci, mais nous ne pouvons pas vous suivre dans ce que vous voulez faire.

Bref, les deux vont finalement voir Disney.

INT. LOCAUX FRANÇAIS DE DISNEY – JOUR

PATRON DE DISNEY
Ah, Canal+ n’a pas voulu financer. Attendez, on en parle et on vous recontacte.

INT. LOCAUX FRANÇAIS DE DISNEY – QUELQUES JOURS PLUS TARD

PATRON DE DISNEY
Raaaaah, cette foutue loi sur la chronologie des médias. Elle me casse les pieds. Si seulement, on pouvait faire quelque chose.

NÉGOCIATEUR DE DISNEY
Arrêtez tout (sauf toi, Chantal), je crois avoir réussi à obtenir une réduction de la durée. De plus, nous ne serons plus obligés de diffuser les films Disney sur Canal+.

PATRON DE DISNEY
Mais, c’est génial ! Euh attends, c’est quoi l’entourloupe ?

NÉGOCIATEUR DE DISNEY
Rien, il faut juste financer quelques productions françaises. Des films et des séries.

PATRON DE DISNEY
Ah, ben ça va… Bon, je vais appeler les deux-là, le chauve et son pote qui a mis un doigt dans une prise électrique. Ça fera au moins une série financée.

INT. LOCAUX FRANÇAIS DE DISNEY – QUELQUES MOIS PLUS TARD – JOUR

Kyan et Navo vont voir le patron de Disney.

KYAN ET NAVO
(en choeur)
Voilà, nous avons fini la série. Tenez.

PATRON DE DISNEY
Ah, c’est gentil, merci. Posez-la sur la pile, là. Je regarderai quand j’aurai le temps.

INT. LOCAUX FRANÇAIS DE DISNEY – QUELQUES SEMAINES PLUS TARD – MATIN

Le patron de Disney lance la série.

UN ÉPISODE PLUS TARD

PATRON DE DISNEY
Chantal, qu’on ne me dérange pas ! Filtrez tout le monde.

CINQ NOUVEAUX ÉPISODES PLUS TARD (SANS PAUSE PIPI)

PATRON DE DISNEY
Chantal ! Mais, qu’est-ce qu’il m’ont foutu ces deux cons-là, le chauve et l’électrocuté ? Ils m’ont pondu une *biiip* [NdM : pas de vulgarité dans le royaume de Mickey] de masterclass. J’avais pas prévu ça dans mon planning, moi. Fais chier, je voulais partir à Tahiti. Bon, va falloir mettre le paquet dessus. Foutez-moi tout le monde sur le projet et faites-moi une promo *biiip*. Sortie à la Saint-Valentin !

MÉTRO REUILLY-DIDEROT – QUELQUE SEMAINES PLUS TARD – MATIN

Bref, la confiance est telle chez Disney que l’épisode 1 est même carrément offert :

Puis, le carton absolu. Critiques. Spectateurs. Chiffres.

SCÈNE POST-GÉNÉRIQUE – QG DE CANAL+ – JOUR

Retour à une critique plus classique

Je pense que ce mini-scénario vous indiquera ce que j’ai pensé de bref. 2 (si la note à la fin de la critique ne vous l’a pas déjà indiqué). En effet, seules les plus grandes œuvres sont capables de me motiver autant à essayer de trouver quelque chose d’original et à la hauteur dans ma critique.

bref., à l’origine, je n’avais vu que quelques épisodes par-ci par-là. C’est seulement lorsque l’intégrale est arrivée sur Disney+ que je me suis mis à regarder tous les épisodes. J’ai trouvé cela génial, notamment avec un petit côté nostalgique, vu qu’on parle d’un truc sorti il y a 14 ans (bordel, le coup de vieux avec la mention du MMS !). Bref, j’avais adoré.

Mais je n’étais clairement pas prêt pour cette suite.

Après avoir ri avec le premier épisode, j’étais en larmes au deuxième. Pas de rire, hein. Des larmes de tristesse. Je n’avais qu’une phrase qui tournait en boucle dans ma tête : « Mais c’est quand ce grand huit émotionnel d’enc***, là ! ». Les étoiles de censure, c’est ma vie de daron où je fais gaffe à ne pas balancer de vulgarités au point que, quand j’en commence une, comme en marchant sur un Lego qui traînait par terre, je ne finis jamais l’insulte. Puis je me marre en imaginant mon fils, en train d’insulter un camarade d’école de fils de P (dédicace totalement par hasard à Lies of P) ou de gros enc’…

LA MAÎTRESSE DE MARVELL JR.
Monsieur Marvelll, je vous ai contacté avec votre épouse pour parler de votre fils. Je suis inquiète car, lorsqu’il s’énerve, il ne finit jamais ses insultes. Comme le responsable de Je dans bref. 2, je ne sais pas si vous avez vu la série. Je vous la conseille au passage.

Ils sont arrivés à maturité

Bref, tout ça pour dire que j’ai pris une énorme claque (et une fessée, et un tibia dans les bijous de famille, et un uppercut, ah tiens, il y a un mec en chemise qui compte au-dessus de moi). La série a fait tout simplement une entrée fracassante dans mon top 5 des séries préférées. Faudrait que je réfléchisse à tête reposée pour savoir si on peut parler de Top 3 ou même de Top 1. Mais la flemme, car on s’en fout là.

Tout est hallucinant dans la série de Kyan et Navo. Tout : l’écriture, le jeu des acteurs, la réalisation, les décors, le montage, les idées. Il y a tout, à un rythme hallucinant. Si ça avait été une série classique, l’épisode 1 aurait eu assez d’idées pour tenir toute une saison. Par pur hasard, juste avant de regarder bref. 2, j’avais regardé Super Mâles sur Netflix. J’ai tenu trois épisodes (en avance rapide en plus) avant de laisser tomber (il y a juste la séquence de l’œuf vibrant qui vaut le coup — cette séquence dure plusieurs minutes, mais dans bref. 2, ça aurait duré trois secondes). Bref, entre les deux, c’est le jour et la nuit.

Cure de prise de poids

Il y avait cette inquiétude concernant le changement de format entre la première et la seconde saison. On passe de 82 épisodes de moins de deux minutes à 6 épisodes de trente à quarante minutes. C’est là qu’on voit la maturité acquise par Kyan et Navo. On retrouve toujours les fameux passages « bref », mais au sein d’une forme plus classique. Sauf que la forme, avec un montage si fluide et si dense, ne laisse jamais place à l’ennui.

Cette maturité se voit également au niveau de l’histoire, avec une formidable analyse psychologique de Je (et, par extension, de notre société actuelle). On est loin des clichés bidons dont raffolent les comédies françaises (j’en profite pour rementionner Super Mâles). Il y a une tentative de décortiquer le sujet. Le plus fort, c’est que cela m’a fait réfléchir à mes propres relations et à mon propre comportement. J’ai pris conscience de quelques points et j’espère que cela va m’amener à devenir un meilleur homme.

Ça, c’est un truc que je n’aurais jamais cru écrire un jour dans une critique. Je pense que c’est le meilleur compliment que je puisse faire. bref. 2, c’est une série totale. Une masterclass stratosphérique.

P.S.

Ne ratez pas le documentaire bref. de bons amis, également disponible sur Disney+, qui permet de découvrir le tournage. J’ai adoré voir la tension entre les deux créateurs sur le tournage, ce qui pouvait les agacer ou les déprimer ; ça change des documentaires « où tout le monde y est beau, tout le monde y est gentil ».

Sans oublier les bonus permettant de bénéficier des commentaires audio de Kyan et Navo sur tous les épisodes de bref. 2. Bordel, non seulement, ils ont pondu une masterclass, mais ils en ont également fait de même avec les bonus. Ça devient chiant de faire autant de compliments.