Critique : Faust

Plus une œuvre d’art qu’un film

Fiche

D’après l’œuvre de Johann Wolfgang von Goethe et le livre de Yuri Arabov
Réalisateur Alexandr Sokurov (Alexandra , Le Soleil)
Scénaristes Alexandr Sokurov, Marina Koreneva (Moloch)
Acteurs Johannes Zeiler, Anton Adasinskiy, Isolda Dychauk, Georg Friedrich, Hanna Schygulla
Pays Russie Date de sortie 20 juin 2012
Genre Drame Durée 2h14
Budget 8 000 000 euros
Librement inspiré de l’histoire de Goethe, Alexandre Sokourov réinterprète radicalement le mythe. Faust est un penseur, un rebelle et un pionnier, mais aussi un homme anonyme fait de chair et de sang conduit par la luxure, la cupidité et les impulsions.

Critique

Faust, le nouveau long-métrage du russe Alexandr Sokurov s’inspire librement du héros allemand d’un conte du 16ème siècle dont Goethe s’est inspiré pour écrire deux pièces connues mondialement. Il s’agit aussi de la dernière pièce d’une tétralogie entamée par Moloch en 1999, Taureau en 2001 et Le Soleil en 2005. La tétralogie de Sokurov tourne autour du pouvoir et de la corruption, Moloch concernait Lénine, Taureau, Hitler et Le Soleil, l’empereur japonais Hirohito. Ces trois hommes avaient la particularité d’être des dictateurs investis du pouvoir absolu. Quel rapport avec Faust , pauvre homme empli en proie de doutes existentielles? Je cherche encore. Quoi qu’il en soit Sokurov parle de cette tétralogie comme un cercle connectant des personnages et des moments historiques éloignés. Faut-il voir en Faust, le germe des dictateurs à venir ?

N’ayant pas vu les trois premiers épisodes de la tétralogie de Sokurov, difficile pour moi de parler des connexions de Faust avec les autres films. Ma critique n’abordera Faust en tant qu’entité unique et détachée de tous liens.

Faust dispose d’une patte artistique unique. L’adaptation d’un format 4/3 comme à l’époque (même inspiration que The Artist) mais en conservant la couleur offre déjà un style particulier. De plus, Sokurov s’est assuré de la collaboration du français Bruno Delbonnel connu pour avoir notamment collaboré avec Jean-Pierre Jeunet dans Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain et Un Long Dimanche De Fiançailles, long-métrage lui ayant d’ailleurs permis de récupérer le César de la meilleure photographie. On retrouve comme sur Un Long Dimanche De Fiançailles, un ton jaunâtre sur Faust donnant une impression de découvrir un livre usé par le temps.

Esthétiquement, Faust se rapproche de la peinture allemande (on retrouve beaucoup de Carl Spitzweg). On déambule au côté de Faust dans une Allemagne historique impressionnante, bourrée de petits détails et d’une force de caractère permettant de mieux instaurer le côté malsain du film. Les costumes semblent être tout droit sortis de cette époque. Faust mérite véritablement l’appellation rarissime de tableau vivant et pénètre dans le for intérieur du spectateur lui offrant un spectacle sans réel équivalent. Alexandr Sokurov accomplit une grosse performance.

Malheureusement si l’emprise visuelle du film est digne de la puissance d’un Titan, on ne peut pas en dire autant de son scénario. Très souvent confus sous le flot incessant de dialogues et de brouhaha, l’attention auditive du spectateur est sans cesse mise à contribution. De plus le film est très lent et enchaîne les séquences en donnant l’impression au spectateur d’avoir manqué des scènes. En résulte un sentiment de confusion désagréable. La réflexion philosophique du film semble être très ardue (la signification de certains plans et l’intérêt de certaines passages demeurent flous).

Faust est typiquement le genre de film qui mérite bien plus qu’un visionnage seulement faut-il en avoir envie. C’est plus le genre de film qui s’étudie dans une école de cinéma qu’il ne se savoure tant il demande du travail de la part du spectateur afin d’acquérir suffisamment de connaissances pour comprendre tout le sens du film. Un travail tellement fastidieux qu’on regrettera que le cinéaste russe n’ait pas offert davantage d’indices dans son film afin de soulager le spectateur. On disait de Sokurov qu’il était un maître des énigmes, eh bien Faust le confirme.

Les acteurs sont bons même si celui jouant Faust est bien en retrait devant la prestation exceptionnelle de celui incarnant Méphistophélès et celle jouant le rôle de la douce Marguerite, objet de la luxure du docteur. D’ailleurs, on notera que les acteurs ne se comportent pas de manière rationnelle mais semble être des pantins entre les mains du cinéaste russe. Cela finit par envelopper le film d’une aura d’un éclat sans pareil. Le film est aussi très cru, en témoigne cette séquence de dissection sur un cadavre effectuée par Faust alors à la recherche de l’âme humaine ou la découverte du corps monstrueux de Méphistophélès. La séquence des Enfers offre parmi les plus plans macabres jamais vu au cinéma avec des créatures maudites déambulant sans âme, on a l’impression de voir du Bergman.

Conclusion

Faust n’est pas vraiment un film dans le sens où on l’entend aujourd’hui, il est davantage une œuvre artistique offrant une vision originale sur le personnage de Faust. Seulement étant une œuvre artistique, il demande une implication totale de la part du spectateur ce dont on est peu habitué dans le cinéma moderne sans compter qu’aucune explication n’est donnée. Il n’en demeure pas moins un long-métrage à la force visuelle impressionnante lui donnant la caractéristique de tableau vivant.
+ – Visuellement splendide
– Une ambiance malsaine s’enracinant en vous
– Lent
– Confus
– S’étudie plus que ne se visionne
5/10
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