Critique : True Detective – Saison 1

La série de l’année

Fiche

Titre True Detective
Créateur Nic Pizzolatto
Réalisateur Cary Fukunaga
Acteurs Matthew McConaughey, Woody Harrelson, Michelle Monaghan, Michael Potts, Tory Kittles
Titre original Saison 1
Pays États-Unis Nombre d’épisodes 8
Genre Drame, Policier, Thriller Format 60 mn
Diffusion d’origine 12 janvier 2014 Chaîne HBO

La traque d’un tueur en série amorcée en 1995, à travers les enquêtes croisées et complémentaires de deux détectives, Rust Cohle et Martin Hart.

Critique

True Detective… Mouais, bof, encore une de ces séries avec des enquêtes policières ne se démarquant aucunement de la concurrence et créées juste pour essayer de grappiller des parts de marché aux mastodontes du genre. Quoi ? C’est HBO ?! Avec Matthew McConaughey ?! Woody Harrelson ?! Et Cary « Jane Eyre » Fukunaga à la réalisation ?! Mais c’est quoi ce truc ? Putain, et cette tagline de fou : « Man is the cruelest animal » (« L’homme est l’animal le plus cruel » en VF). Quoi, la série a 9,5/10 sur Imdb pour 82 000 votes ?! Mais, what the hell is True Detective ?

La pensée qui m’est le plus souvent venue en regardant True Detective est la suivante : « si d’aventure, David Fincher a regardé la série, il a dû pâlir et se sentir mal en voyant le duo Nic Pizzolatto/Cary Fukunaga réussir là où il avait raté avec son Zodiac. ». À savoir une enquête traversant les années et mettant en œuvre un serial killer charismatique. Tout chez True Detective respire la touche du maître Fincher… Mais en mieux. Inutile de dire que la série ridiculise tous les films de serial killers existants, Se7en compris.

Dès le générique, on comprend sans peine qu’on tient quelque chose de culte ! Vous vous rendez compte, un tel constat avec seulement avec deux minutes au compteur. Malgré tout, difficile de penser autrement. C’est une œuvre magistrale qui nous cloue, tous sans exception, au fauteuil sans que nous puissions faire quoi que ce soit. True Detective est la nouvelle série la plus impressionnante depuis des années. Je n’avais pas pris une telle claque depuis Game of Thrones, et encore le premier épisode de l’autre série d’HBO n’est pas du même niveau..

True Detective est la nouvelle série la plus impressionnante depuis des années.

Tout confine à la perfection, ici. La réalisation, le scénario, le casting, la musique, les décors. Un tel niveau de maîtrise sur les huit épisodes de la saison fait froid au dos. Déjà, un épisode pris à part suffirait pour donner un excellent film, donc quand tu en disposes de huit, tu commences à flipper. Tu te dis que ce n’est pas humain ! Le génie de True Detective est de ne pas être réellement une série, mais plutôt un film de huit heures ! Bref, j’ai regardé les trois derniers épisodes (soit quand même trois heures non-stop) sans jamais ressentir de lassitude et complètement subjugué. Impossible de m’arrêter. Viscéral.

Si la saison 2 est déjà annoncée, il faut savoir qu’elle ne fera pas suite à cette aventure. True Detective étant une série d’anthologies à la manière d’American Horror Story. Pour la nouvelle saison, Nic Pizzolatto va créer une nouvelle intrigue faisant intervenir de nouveaux personnages. Par contre, difficile d’en dire plus pour l’instant sinon que Brad Pitt serait envisagé. Il fallait au moins lui pour prendre la suite de Matthew McConaughey et Woody Harrelson.

J’étais surpris de voir deux acteurs de cette envergure s’investir dans une série (même si HBO). C’est seulement après avoir vu la série que j’ai compris. Étant donné qu’il s’agit d’un « film » de huit heures, les deux acteurs n’étaient alors pas mobilisés pour l’année comme c’est souvent le cas sur une série lambda. Les deux offrent une prestation d’une qualité inouïe, revisitant le duo de policiers tout en l’approfondissant d’une manière qu’il sera très difficile d’égaler. On comprend pourquoi les deux acteurs se sont laissés convaincre par le projet tant leurs personnages feraient le rêve d’une multitude d’acteurs. Du fait de leur complexité, ils ne sont plus vraiment des personnages, mais des humains à part entière. Avec leurs qualités et leurs défauts, sans édulcorant. La relation conflictuelle entre les deux policiers que tout oppose, joue beaucoup dans notre attachement pour eux. Bien sûr, tout cela ne pouvait pas marcher sans une galerie de personnages secondaires du même acabit. Eh bien, c’est même plus que ça, certains sont d’un réalisme tellement terrifiant que je me suis souvent demandé s’il s’agissait d’acteurs ou de personnes embauchées sur place.

Sur place, en Louisiane. Soit l’état du Sud des États-Unis où les évènements de la série se déroulent et où elle a été tournée. L’occasion idéale pour bénéficier de décors à tomber raide par terre. Les vestiges de l’ouragan Katrina résident encore, donnant l’impression de plonger dans un monde imaginaire. Le Bayou (lieu ayant excité l’imagination de milliers d’écrivains) n’a jamais semblé aussi inquiétant. Accompagné de cette réalisation et cette musique, la Louisiane compte beaucoup sur l’ambiance de la série et devient presque un lieu mythologique. Un de ces lieux qui ne quittent jamais vraiment nos mémoires.

D’après The Wall Street Journal, Nic Pizzolatto s’est inspiré du recueil de nouvelles fantastiques Le Roi en Jaune (The King in Yellow) écrit par Robert W. Chambers en 1895. Le Roi en Jaune, le croque-mitaine dont l’ombre plane tout au long de la série jusqu’à une confrontation finale dantesque. Les mots suivants troublent une fois la série terminée :

« Au long du lac se brisent les vagues de nuages
Les deux soleils jumeaux meurent sur ses rivages
Et les ombres s’allongent
Sur Carcosa

Si étrange est la nuit sous les étoiles noires
Si étranges les lunes tournant au ciel du soir
Mais plus étrange encore
Est Carcosa »

Traduction du Roi en Jaune par Christophe Thill.

Car même si très riche, True Detective est avant tout une histoire sur un serial killer. Un serial killer terrifiant. En cela, le climax de l’épisode 3, The Locked Room, est un moment de terreur pure. Il s’agit de l’instant où nous voyons le visage du monstre. Rarement, mythologie de serial killer n’aura été aussi bien élaborée (désolé pour Hannibal). Car c’est de cela qu’il s’agit, une enquête s’allongeant dans le temps, sur presque vingt ans, permettant de découvrir toute la richesse et complexité du Roi en Jaune. Encore une autre idée de génie. La série débute de nos jours avec l’interrogatoire des deux enquêteurs derrière l’arrestation du serial killer en 1995. Un interrogatoire rendu nécessaire suite à la perte des dossiers sur l’enquête après Katrina. L’occasion de vivre l’enquête du point de vue des deux protagonistes, permettant ainsi de bénéficier de leurs commentaires. À ce jeu-là, Matthew McConaughey captive grâce à des monologues philosophiques fascinants. L’effet le plus saisissant concerne l’apparence des acteurs, on a vraiment l’impression qu’il s’est déroulé vingt ans entre l’intrigue en 1995 et celle de nos jours. Je n’ai jamais été autant convaincu.

L’écriture de Nic Pizzolatto (aussi créateur du show) se marie à merveille avec la réalisation de Cary Fukunaga. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant de voir ce dernier être impliqué sur la nouvelle adaptation du roman culte de Stephen King, Ça (It en VO) vu qu’on retrouve parfois de l’univers du maître de l’horreur (sans le côté fantastique) dans True Detective. Surtout cette volonté de montrer l’humanité telle qu’elle est, sous toutes ses facettes (le meilleur et le pire). La plus grande qualité de King enfin à l’écran.

Il a encore tant de choses à dire sur la série. Mais le mieux à faire, ça reste de la regarder. Car il n’y a pas besoin de mots pour comprendre. Il suffit de la vivre.

D’aller sur Carcosa.

Et ne jamais en revenir…

Par Christophe Menat, le .

Conclusion

Chef d’œuvre.

+

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  • Rien
Trophée10/10
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