Critique : Mandela : Un long chemin vers la liberté

La légende effleurée

Fiche

D’après l’autobiographie de Nelson Mandela
Titre
Mandela : Un long chemin vers la liberté
Réalisateur Justin Chadwick
Scénariste William Nicholson
Acteurs Idris Elba, Naomie Harris, Fana Mokoena
Titre original Mandela: Long Walk to Freedom Date de sortie 18 décembre 2013
Pays Royaume-Uni, Afrique du Sud Budget 35 000 000 $
Genre Biopic, Drame, Histoire Durée 2h 26

Né et élevé à la campagne, dans la famille royale des Thembus, Nelson Mandela gagne Johannesburg où il va ouvrir le premier cabinet d’avocats noirs et devenir un des leaders de l’ANC. Son arrestation le sépare de Winnie, l’amour de sa vie qui le soutiendra pendant ses longues années de captivité et deviendra à son tour une des figures actives de l’ANC. À travers la clandestinité, la lutte armée, la prison, sa vie se confond plus que jamais avec son combat pour la liberté, lui conférant peu à peu une dimension mythique, faisant de lui l’homme clef pour sortir son pays, l’Afrique du Sud, de l’impasse où l’ont enfermé quarante ans d’apartheid. Il sera le premier Président de la République d’Afrique du Sud élu démocratiquement.

Critique

Nelson Mandela nous a quittés, voilà treize jours (le 5 décembre 2013) et c’est aujourd’hui que sort le biopic lui étant consacré. Un malheureux concours de circonstances nous permettant de plonger dans la vie de cet icône de la lutte contre le racisme. L’occasion de vivre une Vie achevée.

Le film parcourt la majeure partie de sa vie en commençant par ses débuts en tant qu’avocat (1942) jusqu’à sa présidence (1994) conformément à l’autobiographie de Nelson Mandela, rédigé en majeure partie durant son emprisonnement sur l’île. Bien évidemment, on se doutait que ça allait donner un film « Wikipédia », où les grands pans de la vie du Sud-africain sont survolés. Et bim ! C’est exactement ce qu’est Mandela : Un long chemin vers la liberté. Son plus grand défaut, en même temps qu’il est sa plus grande qualité. De quoi devenir schizophrène.

Mandela : Un long chemin vers la liberté est un film dit « Wikipédia ».

Car si les gens vont voir Mandela : Un long chemin vers la liberté, ce n’est pas vraiment pour voir un film, mais surtout pour découvrir l’homme derrière la légende et comme ils ont la flemme de lire le bouquin, ils préfèrent voir un film condensé de deux heures et demie avec Idris Elba. Je les comprends, en même temps, je plaide coupable aussi. Pourtant, si on y regarde de plus près, Mandela et le cinéma, c’est déjà une grande histoire d’amour : Winnie (joué par Terrence Howard), Invictus (Morgan Freeman), Goodbye Bafana (Dennis Haysbert) sans oublier le Mandela de Sidney Poitier (Mandela and de Klerk) et celui de Danny Glover (sobrement appelé Mandela), mais aucun n’a pris le risque de parler de sa vie entière. C’est le défi de Justin Chadwick, réalisateur du correct Deux sœurs pour un roi.

Autant le dire tout de suite, et ce malgré le flop Che par Soderbergh (notamment à cause d’une deuxième partie désastreuse), je pense que trois parties auraient mieux convenu pour raconter l’histoire. Une première sur la jeunesse qui se serait terminée sur l’emprisonnement. Une deuxième pour la période en prison (on aurait pu facilement la délaisser étant donné qu’elle a déjà été traitée et plutôt bien par Goodbye Bafana) jusqu’à la lutte pour la liberté puis, pour terminer, son travail politique. On aurait alors pu avoir un pamphlet digne de l’homme. Il fallait au moins ça au vu de sa grande vie…

Au lieu de ça, Justin Chadwick se retrouve avec un scénario trop maigre se focalisant principalement sur le couple Nelson et Winnie. Les flashbacks avec Winnie sont lourdingues et plongent vite l’ensemble vers le mélo. Surtout, ils se font au détriment de points qui auraient été plus pertinents (notamment la lutte armée, résumée à de simples explosions et à l’arrestation – il ne fallait pas écorner l’image de Mandela ? – ou encore la guerre civile trop vite expédiée). On sent une volonté chez le réalisateur d’humaniser son protagoniste et son récit afin de susciter des sentiments chez le spectateur. Seulement, je n’en ai pas vraiment ressenti, à l’inverse de l’autre biopic, 12 Years A Slave. Enfin, si, durant le climax (la magnifique scène du teaser où un vieux Mandela entouré d’enfants marche sur une plaine sud-africaine avec un soleil couchant au loin) et le générique final parsemé de photos en noir et blanc du président. C’est d’autant plus surprenant que le film bénéficie d’images superbes.

Je reste persuadé que le meilleur moyen de rendre hommage à ces hommes n’est pas de faire un film à proprement parler (Idris Elba pénalise beaucoup le projet, j’y reviens dans le prochain paragraphe), mais un documentaire cinématographique à la manière des sublimes Senna et Marley. Senna est probablement le modèle à adopter ! Traité comme un thriller sportif, le documentaire d’Asif Kapadia bouleverse par ses images (l’enterrement du pilote est très émouvant) et est finalement le plus pertinent car point d’acteur jouant un rôle, c’est le vrai Senna à l’écran. On peut imiter la réalité, mais jamais l’égaler. Toutefois, Senna bénéficiait d’images d’archive conséquentes étant arrivé à une époque où la télévision se régalait de la F1. Tandis qui peut trouver des vidéos sur Mandela durant sa jeunesse ? Mais on pouvait dire la même chose de Bob Marley, et ça n’a pas empêché Kevin « Le Dernier Roi d’Écosse » Macdonald de livrer un documentaire à la hauteur du rastafari.

Idris Elba éclipse Nelson Mandela.

Personnellement, le plus gros problème que j’ai eu avec Mandela : Un long chemin vers la liberté, c’est Idris Elba. Je n’ai pas réussi à voir en lui, Nelson Mandela. Un aveu déchirant à faire étant donné que l’acteur fait parti de mon top 10 des meilleurs acteurs du monde. Malheureusement, il respire trop le personnage « Idris Elba ». L’acteur étant un monstre de charisme, un spectacle à lui seul. Le pire, c’est lors de la période « avocat » de Mandela. Idris est attifé d’un costume cravate m’ayant donné l’impression de voir l’inspecteur John Luther. Dès lors, difficile de se montrer convaincu. Sans oublier les maquillages légèrement à désirer. J’ai eu envie de pouffer de rire en voyant Idris en vieux Mandela. Ce que je me suis abstenu de faire pour ne pas manquer de respect au défunt.

Pour Winnie, rien de moins que la Moneypenny nouvelle génération, Naomie Harris. L’actrice est diablement convaincante durant la période « guerre civile ». J’ai été épaté de voir l’évolution de Winnie passant d’une femme intégrée et heureuse vers une créature dévorée par la haine. Pourtant, j’ai trouvé son premier cri de guerre ridicule. Je m’étais alors dit que le personnage allait être foiré, ne voyant pas son charisme, mais c’était avant d’avoir vu son évolution. Une performance de haut-vol qui contraste avec le traitement de Mandela où émargent très peu de critiques.

Conclusion

Un biopic à la fois trop long et pas assez détaillé. Un paradoxe s’expliquant très facilement : Mandela : Un long chemin vers la liberté a pour objectif de dévoiler toute la vie de Nelson Mandela (magnifiquement résumée dans la bande-annonce) ce qui représente un engagement conséquent, mais en contrepartie, demande à passer les détails afin de pouvoir tout aborder (en 2h 26, quand même !). Une trilogie aurait été plus adaptée.

+ – Une vie tellement riche, tellement « cinématographique »
– Des images magnifiques
– Presque toute la vie de Mandela en deux heures et demie
– Idris Elba
– Du mélo inutile
– Trop superficiel
– Peu émouvant
6/10
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