Critique : God Bless America

Le déclin de l’Amérique

Fiche

Réalisateur Bob Goldthwait
Scénariste Bob Goldthwait
Acteurs Joel Murray, Tara Lynne Barr, Mackenzie Brooke Smith, Melinda Page Hamilton
Pays USA Date de sortie 10 octobre 2012
Genre Comédie, Crime Durée 1h44
Seul, sans boulot, gravement malade, Frank sombre dans la spirale infernale d’une Amérique déshumanisée et cruelle. N’ayant plus rien à perdre, il prend son flingue et assassine les personnes les plus viles et stupides qui croisent son chemin. Bientôt rejoint par Roxy, lycéenne révoltée et complice des plus improbables, c’est le début d’une équipée sauvage, sanglante et grandguignolesque sur les routes de la bêtise made in USA.

Critique

Difficile de ne pas s’exciter devant le synopsis de God Bless America. Quand même, on nous promet un gars qui pète un plomb devant la télévision américaine actuelle : MTV, American Idol (l’équivalent de la Nouvelle Star), les pubs Red Bull et au lieu de rester bien sage comme la majorité de la population, il décide de prendre les armes ; après tout, il faut bien un justicier dans la ville…

Malheureusement, les défauts sont plus nombreux que les qualités. De prime, le film est fauché et ça se voit : les publicités créées pour le film affiche des logos qu’on croirait sorti d’un Paint de Windows 98, les décors demeurent très cheap (mention spéciale à la reconstitution du plateau pour la finale d’American Starz, le postiche d’American Idol). Encore ces points ne sont pas dérangeants par contre, on est plus sévère en ce qui concerne l’absence totale de prise de risque au niveau de la réalisation hormis sur la géniale séquence d’introduction. Quel dommage de ne s’être contenté que d’une réalisation digne d’un téléfilm TF1. Le film en souffre beaucoup mais il est heureusement rattrapé par un bon script teinté d’humour noir. Pour information, le réalisateur Bob Goldthwait, avant de réaliser des films, se produisait sur scène dans des spectacles de stand-up dans un registre de comédie noire.

L’attrait de God Bless America demeurent les scènes où le héros et sa comparse décident de ne plus se laisser faire comme la fameuse séquence au cinéma avec les jeunes sans gêne. Qui n’a jamais rêvé de lever un gun dans leur direction et voir s’afficher l’effroi sur leur visage. Encore malheureusement, ces séquences sont expédiées tellement vite qu’il devient parfois difficile d’en retirer de la jouissance. Par exemple sur le passage au cinéma, le mec se lève bam-bam-bam dans le dos des jeunes et basta. Pas de gros plans sur le visage de ces jeunes terrifiés prenant conscience de la fragilité de la vie et de la conséquence de leurs actes. Pas de supplication. Vous allez me prendre pour un sadique mais j’aurais trouvé davantage jouissif de les humilier à leur tour plutôt que de les exécuter froidement. Quitte à aller dans ce sens, autant y aller franchement.

De plus, probablement dû à un budget restreint, ces actes de rébellion se comptent des doigts de la main et plus le film avance, plus elles perdent en attrait surtout à cause des acteurs secondaires très mauvais (ça casse un peu le plaisir des fameuses scènes de vengeance), en tout cas à des années-lumière du duo principal atypique.

Frank, le héros a un physique assez ingrat et un tour taille n’ayant rien à envier à Benny Hill. Roxy, la fille n’est pas un canon de beauté moderne. Toutefois l’alchimie avec le spectateur fonctionne. On s’identifie facilement aux problèmes de Frank, son insomnie, ses voisins casse-burnes, sa fille détestable plus préoccupée par son jeu vidéo que son père, le pire même quand il se fait renvoyer pour un harcèlement inexistant sans oublier ce fameux médecin. La première demi-heure condense à merveille les pires maux de notre monde comme l’excellente série Curb Your Enthusiasm le fait avec humour. Le réalisateur réussit son pari de souffler sur les braises de notre colère. Notre colère montent crescendo et n’attend plus qu’à exploser mais comme vous l’avez pu le lire précédemment les fameuses scènes de vengeance demeurent au rabais du coup, il en reste des traces dans notre organisme après le visionnage (non, là c’est sûr, vous allez me prendre pour un psychopathe – je m’engage sur l’honneur à ne tuer personne).

De plus, il est fortement dommage que les personnes ciblées par cette vengeance ne soient pas les mêmes qui ont martyrisées le héros (la réceptionniste, le voisin, le médecin et j’en passe) mais des icônes de la téléréalité. Alors que Frank proclamait n’en avoir rien à foutre lors d’un long monologue, finalement il est bien plus touché qu’il n’y paraît. D’où la décision assez surréaliste de se débarrasser de cette gamine « MTVisée » au lieu de s’occuper de la sienne. Il en découle alors une sorte d’incompréhension, le père rejette la faute du comportement de sa fille sur cette fille de MTV ? Mais cette dernière n’est que le fruit d’abrutissement télévisuel, Frank ne décide donc pas de se débarrasser des vrais coupables… L’anti-héros décide par la suite de supprimer de la surface de la terre des parents de celle-ci car ils n’ont pas su l’élever… comportement hypocrite sachant que Frank n’a pas fait mieux. Le réalisateur/scénariste voulait faire une critique de la téléréalité mais il n’en demeure pas moins que pour lutter face à ce mal, il convient d’abord d’éduquer ses gosses, chose qu’abandonne le héros. Dès lors la critique acerbe proclamée par le film perd beaucoup de sa valeur. La série Robot Chicken faisait bien plus fort lors d’un de ses sketches en attaquant directement les véritables investigateurs.

L’excuse pour ne pas cibler les fameux « proches » est celle proclamée par la jeune héroïne, on ne les cible pas pour ne pas se faire arrêter par les flics… mais devant la faiblesse navrante des forces de l’ordre, n’aurait-il pas mieux fallu orienter le film vers le défouloir jubilatoire et s’assumer jusqu’au bout. En tout cas, un bon point pour ces fameux postiches des pubs et émissions visibles dans la première demi-heure tout simplement jubilatoire et réaliste, oui vous avez bien lu. Mention spéciale aussi au monologue de Tara Lynne Barr faisant une déclaration d’amour « Tarantinesque » à Alice Cooper.

Conclusion

God Bless America repose sur un pitch génial malheureusement sabordé trop vite. Si la première demi-heure est assez jubilatoire, le reste l’est beaucoup moins se noyant dans une critique mitigée car pas assez poussée, des dialogues plagiant Tarantino et des scènes de vengeance bien prudes.

Il n’en demeure pas moins un film sympathique à visionner malgré ses nombreux défauts et incohérences. Quel dommage toutefois que Bob Goldthwait n’ait pas poussé le vice plus loin, ça aurait pu donner un grand film.

+ – Le duo Joel Murray/Tara Lynne Barr
– La première demi-heure
– Des passages jouissifs
– Critique de la téléréalité bien vue
– Scènes de vengeance ratées
– Comportement de Frank
– Orientation du film décevante
– Pas assez hard
6/10
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